LES FILLES MORTES NE MENTENT PAS *JOURNAL D'UNE PROSTITUÉE*

CHAPITRE 1 : Katerina

Le 11 octobre 1879

    Cher journal,

Je me présente : je m'appelle Katerina Tellier, mais je suis plus connue sous le nom de Cristal. J'ai eu vingt-quatre ans le mois dernier, alors j'ai quitté ma ville appelée Tours, mon foyer, pour une plus grande vie. Il y a quatre jours, je suis arrivée dans la capitale française, Paris, une ville gigantesque, au commande de Serviano de Hérédia, où personne ne me connaît, où je me fonds dans la masse, où je ne suis personne, où je ne suis ni insultée, ni harcelée.  Alors, non, je ne suis pas une demi-mondaine, je ne suis pas non plus une courtisane, je ne suis pas ce type de femme que l'on dit respectable. Je suis une fille publique. Tu l'auras deviné ma vie se définit par : fumerie d'opium, luxure et fée verte. Par conséquent je ne suis pas intégrée, je suis rejetée, de tout et par tout le monde. À une époque où les ébats débridés et la nudité sont considérées comme scandaleux dans la bonne société, les maris infidèles, les pédophiles, les nymphomanes, les célibataires, les laiderons, les trop âgés ainsi que les trop jeunes, les pédérastes, les personnes sous l'influence de stupéfiants, les dépressifs, les violents, les étudiants, les libertins, les riches mais aussi les moins riches, les propres comme les sales se servent de nous afin de faire oeuvre de chair. Et je n'ai pas d'autres choix que de subir si je veux réussir à vivre et à avoir des conditions de vie décentes, pas excellentes, mais décentes. Tant qu'ils ont de quoi me payer, je deviens leur propriété.

J'aimerais réussir à dormir paisiblement, sans me réveiller en sursautant, sans avoir de sueurs froides, sans subir d'affreuses douleurs qui ne me laissent jamais tranquille. J'aimerais me reposer de temps en temps, autre part que sur un banc du Bois de Boulogne, tomber dans le coma indéfiniment, tout ça me brise, mon quotidien me brise, alors fais-moi une faveur : réveille-moi quand ce cauchemar aura pris fin.