La Lame De Pierre || Levi x Reader

Épilogue

Comme à son habitude, le réfectoire était animé. La nuit était tombée et chacun dînait avec ses amis dans la bonne humeur. Pas d'expédition Extra-Muros en vue, pas d'inquiétude, une ambiance conviviale et chaleureuse. Pour presque tous.

À une certaine table, la discussion était mouvementée. On argumentait sur qui avait tué le plus de titans durant ses années de service.

« T'en as juste quelques-uns de plus en solo ! Moi, j'en ai bien plus en équipe. »

« Tch! Ça compte pas ça! Y a aucun mérite, y a que les solos qui montrent la vraie puissance d'un soldat! »

« Gunther, Auruo, calmez-vous! Si le Caporal passe par ici, il va encore vous sermonner... »

« Merci Petra, mais on a un débat très important ici! »

La jeune rousse soupira, désespérée par le comportement enfantin de ses amis. Soudain, un poids s'assis à ses côtés, et elle tourna la tête vers la présence aussitôt.

« Oh, Eren! T'es arrivé tard, qu'est-ce qu'il t'es arrivé? »

L'adolescent arborait une expression plus qu'irritée, et attaqua sans plus tarder la nourriture qui l'attendait. À ce prénom, les occupants de la table abandonnèrent leur discussion pour tourner leur attention vers lui.

Il soupira bruyamment « Le Caporal m'a mis en corvée de nettoyage... J'ai dû astiquer tout le premier étage. »

Gunther ris aux éclats « Ça lui ressemble bien, tiens! T'as fais quoi pour qu'il soit si énervé? »

« Rien de bien méchant! » il reposa sa cuillère, prêt à raconter toute l'histoire « Il m'avait demandé de nettoyer son bureau pendant qu'il allait voir le Major, et bon, c'est vrai que j'ai été un peu curieux...! Mais c'était vraiment pas grand chose, j'ai juste ouvert un tiroir, et y avait juste un blason avec un anneau à côté. »

La mention de l'objet coupa le rire de Gunther, et le sourire de Erd se fada en même temps que celui de Petra. Auruo détourna le regard, et l'ambiance s'alourdit instantanément.
Cependant, le brun continua sa petite histoire sans prêter attention à rien d'autre que ses mots, obnubilé par sa colère.

« Du coup, je l'ai sorti pour l'examiner. Je sais que c'est pas bien, mais c'était plus fort que moi! Et là, qui choisit de revenir pile à ce moment là? Levi Ackerman! J'ai faillis faire une crise cardiaque déjà, et quand il a vu ce que je tenais, il a commencé à péter un câble! J'ai rien compris! Et c'est comme ça que je me suis retrouvé sans comprendre pourquoi à nettoyer tout le premier étage... »

Il finit son petit récit et posa son regard sur les silhouettes silencieuses de chacun des membres de l'escouade, attendant une quelconque réponse de soutient. Il ne lui fallut cependant pas plus de quelques secondes pour remarquer que quelque chose clochait. Leurs visage trahissaient une immense tristesse, la douleur se lisait dans leurs trais, et Auruo semblait le plus sombre des quatre.

« Bah quoi? Ça va, c'est pas comme si c'était une alliance ou autre... Qui sortirait avec un mec aussi bipolaire et violent sérieux... »

Les quelques nuages noirs au dessus des têtes s'assombrirent à nouveau, plus personne ne souhaitait rencontrer le regard du jeune homme. Une seule voix eut le courage de s'élever.

« Eren... Tu... Tu devrais te taire. »

Petra surprit son interlocuteur.
Son ton était à la fois doux, ferme, et suppliant. Jamais il n'aurait imaginé une telle réaction de la part de ses camarades. Les pièces du mystère s'emboîtèrent, Eren commença à comprendre, et la honte le submergea. Il n'osa plus poser de question malgré sa curiosité, et se contenta de retourner à son assiette. Mais il n'avait plus faim.

*

Il était là, assis à son bureau, les poings serrés et le visage fermé. Tout autour de lui semblait vide, il était seul face à ses pensées. Aucune vie n'était là pour l'accompagner.
Il décroisa ses doigt soutenant difficilement son crâne de se poser sur le bois. Il se recula, ouvrit le même tiroir qu'il avait juré de sceller au reste du monde, et en sortit ses derniers souvenirs.

Il était épuisé. Les années avaient passé, le passer ne s'était pas estompé. L'anneau argenté entre ses doigts luisait d'une lueur qui lui avait toujours rappelé le bonheur, l'amour. Doucement, il ouvrit la poche de sa veste du bataillon, celle à sa gauche, près de son coeur. Un autre anneau fit son apparition, et comme pour recoller les morceaux, il les mit côtes à côtes. L'un était plus petit que l'autre, et ne rentrait qu'à un annulaire bien particulier. L'autre, était à sa taille. Dans le reflet de l'argent, il crut y voir sa réflection, et celle de sa promise. Sans s'en rendre compte, il avait resserré sa prise sur les petits objets. Une vague de mélancolie le submergeait, et les images fatales repassaient en boucle dans son esprit.
Son dernier sourire, ses dernières paroles, son dernier geste.
Se maudissant lui-même, il se risqua à ré-enfiler la bague à sa main gauche. Grande erreur, tout se fit bien plus douloureux. Comme si porter ce bijoux était la clé à un monde de souvenirs et de peine. Le tableau de cette fameuse nuit où ils s'étaient dit oui. Où ils s'étaient promis un retour, un futur.
Il serra les dents à s'en briser la mâchoire.

Il releva les yeux en face de lui, les posant sur le petit fauteuil où elle avait l'habitude de l'attendre quand il remplissait ses papiers. Puis, il les baissa à nouveau vers le petit tiroir, rencontrant un bout de tissus aux ailes bleues et blanches. Il reposa les anneaux pour le prendre à son tour en main.
Il avait prit la poussière, mais Levi ne souhaitait pas l'abîmer en le nettoyant, alors il avait simplement laissé là les tâches brunes de sang séché. Les fils s'entremêlaient, s'effilochaient, mais le peu de cuir arborant les contours du sigle rendaient le morceau plus vivant. Comme si un bout d'elle-même était encore là, comme si il la tenait entre ses mains. Ses pupilles se mirent à briller de tristesse, ses sourcils froncés trahissaient tous ses regrets.

Ce fut trop. Son coeur menaçait de lâcher sous la peine immense. Il frappa le bureau de son poings, ses ongles perforant sa propre peau en quête de soulagement intérieur, comme pour se réveiller, pour ne plus y croire. Penser lui faisait mal, respirer lui faisait mal, regarder lui faisait mal. Tout le ramenait à ce qu'il avait aimé, à ce qu'il avait perdu. Il reposa son front dans ses bras dans une lourde expiration. Quelques larmes oubliées coulèrent pour la première fois depuis un long moment.

Rien ne paraissait juste.

Rien ne pourrait le faire oublier.

Rien ne la ramènerait.

C'en était fini.

Il reposa tout dans le tiroir, et ferma une dernière fois à clés. Le sort était scellé.

Il fallait avancer.