Chapitre 50 : Cauchemar

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Elle ouvrit doucement les yeux, sa tête secouée par le mouvement incessant de la charrette qui la transportait, sa blessure la faisant encore souffrir. Comme premier réflexe, elle porta une main à son entaille, pour ne sentir outre la douleur que quelques fines bandes en tissus imbibées de sang séché. Elle avait sûrement été recousue, sa peau tiraillée ne lui permettait que d'afficher une expression douloureuse. Ses yeux fixaient le ciel et les nuages défilant inlassablement, le coeur lourd.

« Tch... T'es enfin réveillée, gamine? » fit une voix à ses côtés

Elle connaissait le possesseur de cette voix, et tourna la tête, quelques peu surprise.

« Auruo? » elle se redressa avec mal en position assise « Tu fais quoi ici? »

Il était assis contre le banc, jambe surélevée par une couverture mise en boule.  Il avait les bras croisé et une expression ennuyée, probablement ne souhaitait-il pas rester là.

« Petit accident, je me suis foulé la cheville. » il détourna les yeux en croisant les bras, visiblement honteux « Mais toi, qu'est-ce qu'il t'es arrivée? » il pointa de son menton le flanc bandé de la jeune femme

Elle, baissa la tête, son coeur se serrait.

« J'ai été stupide, j'ai dû me jeter d'un toit pour éviter un déviant et j'ai atterrit sur ma lame. »

« Ah bah ça, pour être stupide, tu l'as bien été! » il plaisanta

Son petit rire se stoppa quand il vit l'expression peinée de sa camarade.

« Ouais, c'était de mauvais goût, désolé... » elle ignora sa remarque, et son excuse

Un petit silence s'en suivit.

« Levi est au courant que je suis ici? » elle releva les yeux sur lui

« Non, aucun messager n'est passé par ici. Il est toujours au même endroit de la formation »

Elle hocha doucement la tête, soulagée.

« J'ai dormi combien de temps? » elle enleva le drap la couvrant

« Peut-être une ou deux heures, on a eu le temps d'inspecter le trou dans le mur, et de repartir. » elle ne le regardait toujours pas, préférant l'horizon comme vision qu'un homme plein de pitié « On arrive à la forêt de ce matin, et on y dormira pas cette fois. C'est un sans-escale jusqu'à Rose. »

Elle acquiesça silencieusement, continuant de fixer devant elle les plaines et Maria s'éloigner peu à peu. Très vite, le paysage s'était obstrué de racines et d'écorce, la lumière ne pénétrait plus que par de petits interstices entre les feuilles, tamisant dangereusement le champ de vision. Ils venaient d'entrer dans la forêt d'arbres géants. Tout de suite, et ce malgré la faune et la flore abondante les environnant, l'atmosphère s'alourdit. Derrière chaque tronc pouvait se cacher un titan, il n'y avait plus ce ciel ouvert qui permettait de se projeter dans une certaine liberté, plus qu'un plafond de branches et de feuilles les scellant au sol dans leur malheureuse réalité. [t/p] fixait l'horizon, chaque recoin de buissons, sursautant à chaque animal traversant le sentier. Autour d'eux, la charrette était bien gardée : des soldats galopaient aux côtés des blessés, prêts à les défendre au moindre danger. Cependant, la jeune femme ne pouvait que s'inquiéter. Pas pour elle, mais bien pour son escouade. Étaient-ils repartis en premières lignes? Avaient-ils rencontré des titans? Étaient-ils encadrés par un supérieur, ou seuls face à leur expérience limitée?
Elle scrutait les environs, son coeur ne faisait que s'emballer, elle ne savait que faire. Sa blessure la prévenait de se mobiliser, chaque torsion de son abdomen était compliquée à surmonter. Cependant, plus que jamais, elle sentait qu'elle devrait être elle aussi au front, en compagnie de ses amis. Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, cherchant des yeux son équipement tridimensionnel qui lui avait été enlevé. Auruo le remarqua.

« Me dis pas que tu veux y retourner? » il s'exclama

Pour toute réponse, elle évita son regard, et continua de chercher ce sui lui appartenait.

« Ils ont pris ton équipement, et ils vont pas te le rendre tu sais. Regarde moi, ils m'ont déjà défendu de l'utiliser alors que je ne me suis que foulé la cheville. »

Au même moment, une traînée violette apparu dans le ciel presque entièrement couvert. Il venait des premières lignes, à gauche. Le sang de [t/p] ne fit qu'un tour, quelqu'un avait besoin d'aide, et cela venait de là où se trouvait son escouade. Plus rapidement encore, elle se mit à fouiller partout, quand elle remarqua un détail.
Auruo possédait encore son équipement sur ses hanches, et au regard que la jeune femme lui lançait, il refusa radicalement.

« Non, n'y pense même pas, [t/p]! » il le cacha de ses mains, comme pour lui faire barrage

« Ils ont besoin de moi! Le fumigène violet, c'est eux, j'en suis sûre! » elle le supplia, la panique se lisait maintenant dans ses yeux

« T'es blessée, tu seras d'aucune utilité! Regardes-toi, tu peux même pas te lever! »

Sur ces mots, elle fronça les sourcils. Et s'appuyant sur le rebord de la charrette, elle posa un premier pied pour se soutenir, avant de se stabiliser sur le deuxième. Maintenant, elle se trouvait debout, face à Auruo, tenant blessée sur un véhicule en mouvement. Son regard transmettait toute sa determination, et par cela, le soldat en face comprit qu'il ne pourrait rien faire.

« Même si je dois t'assommer, je prendrais ton équi- »

« Tch... C'est bon, j'ai compris. » il l'interrompit en soupirant

Auruo semblait très inquiet, mais il enleva le plus rapidement qu'il put ses lanières de cuir.

« Fais pas de connerie, [t/p], c'est tout ce que je te demande en échange. »

Elle acquiesça, saisissant la lame qu'il lui tendait. Dans un dernier remerciement, elle attacha du plus vite qu'elle le put les conteneurs à lames et les bonbonnes de gaz autour d'elle, serrant les ceintures de sorte à être bien maintenu. Le poids du métal et du cuir tirait par la gravité sa peau vers le bas, menaçant d'ouvrir à nouveau la blessure qu'elle portait. Mais elle ne s'en soucia pas. En ignorant les protestations des soldats protégeant la charrette, elle s'en envola vers le front.

Chaque mouvement menaçait de lui arracher une grimace de douleur, mais elle continuait à slalomer entre les arbres, les branches. Elle priait pour qu'un vétéran, entre temps, soit déjà venu au secours de ceux qui avaient tiré le fumigène de détresse, qu'elle soupçonnait être ses amis. Elle rattrapait rapidement le cortège, et parfois, quand un titan lui barrait la route, elle le tuait sans dévier de sa trajectoire. Cette rapidité fulgurante s'apparentait à celle qu'elle arborait lors de ses entraînements face aux faux titans immobiles. Sauf qu'ici, ils étaient bien réels. Sa rage et sa peur décuplaient ses sens, et rien ne pouvait plus l'arrêter. Plus les secondes passaient, plus son mauvais pressentiment accélérait son rythme cardiaque. Des sueurs froides coulèrent le long de sa nuque quand elle se rendit compte que plus elle se rapprochait de l'extrémité, plus les soldats se faisaient rare. A contrario, les titans, eux, se faisaient plus nombreux. Elle comprit rapidement qu'ils étaient arrivés en masse, et elle força son gaz à la propulser plus vite, il n'y avait aucun temps à perdre.

Enfin, elle vit le vrai spectacle s'étendre devant elle.
Elle était arrivée à la position de son escouade.

En face, une douzaine de titans, et des litres de sang.

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Chapitre de transition avant le chapitre final sortant très bientôt.
Pleurez pas : gardez vos larmes, vous en aurez besoin :)

La Lame De Pierre || Levi x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant