Petite histoire triste sans lemon
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À l'époque, je n'étais qu'un adolescent de dix-sept ans, habitant dans un vieux village de campagne où tout le monde se connaissait.
On allait tous chercher son pain chez Marie, la boulangère, ou son fromage et son beurre chez Fabrice, le seul fermier du village.
Alors quand il se passait quelque chose, tout le monde était au rapidement au courant.
J'étais occupé ce jour là à aider ma mère dans le jardin à replanter des rosiers rouges flambant neufs, quand Josie, la vieille commère, est venue nous trouver en criant.
- Oh mon Dieu ! Catherine, le jeune Matteo a été retrouvé pendu dans sa chambre !
Ma mère était choquée par ses propos. Je l'étais aussi. C'était mon ami d'enfance, on avait fait les quatre cents coups ensemble et le voilà parti... Je n'arrivais simplement pas à y croire.
- Ce matin, sa sœur a dit à Marie que son frère avait annoncé être amoureux d'un garçon et qu'ils s'aimaient... Tu connais son père. Lui qui croit en Dieu, il n'a pas pu laisser passer ça et l'a puni dans sa chambre en lui promettant de le libérer de cette abominable maladie.
J'étais davantage sous le choc d'apprendre ça. Comment son père avait-il pu dire cela à son propre fils, Matteo a dû se sentir rejeté. Dans le soutien de son tendre amour, il n'a vu qu'une échappatoire à cette douleur qui le consumait.
La nouvelle avait rapidement fait le tour du patelin, laissant les villageois dans un profond chagrin envers ce pauvre garçon qui s'était enlevé la vie.
Moi-même j'avais encore du mal à y croire. Depuis que j'avais appris la nouvelle, je ne quittais plus ma chambre, me laissant aller durant deux jours. Ma mère bien sûr essaya de me changer les idées, mais rien ne marchait. J'avais perdu mon ami.
Alors le jour de son enterrement se fit un mardi à quatorze heures. Il pleuvait ; à croire que le temps ne voulait pas se montrer clément en ce jour tragique.
Assis à côté de ma mère dans cette église remplie par le village, j'étais habillé de mon costume du dimanche. Même pendant l'office, il n'y avait pas autant de monde.
Tout le monde l'appréciait. Toujours gentil, combien de fois n'avait-il pas aidé une personne, à transporter les caisses de marchandises pour le magasin du village, combien de fois n'avait-il pas aidé la vieille Francine ? Combien de fois n'avait-il pas porté les sacs de farine pour Marie ?
Il était serviable et attentionné envers tout le monde et il n'a demandé qu'une fois de l'attention et voilà où on se retrouve.
La cérémonie n'avait pas encore commencé que les gens pleuraient déjà. Pas moi. Je n'y arrivais pas, mais personne ne pouvait me blâmer. J'avais perdu un ami, alors que d'autres avaient perdu un frère, un fils.
Le curé se lança dans un monologue sans fin, les gens eux continuaient de pleurer, certains ne connaissaient même pas Matteo mais tout le monde était triste de sa disparition.
Je me rappelle aussi que ma mère m'a pris la main pour me montrer son soutien, et je me rappelle avoir été encore plus triste après ça.
Je me sentais coupable de sa disparition, comme si j'avais pu empêcher cela d'arriver il serait encore là.
Quand le curé eut fini son discours, il demanda si quelqu'un voulait rendre hommage au défunt.
Mais personne voulut y aller. Même pas un membre de sa famille. J'étais en colère envers eux.
Alors c'est tout naturellement que je me suis levé du banc et que j'ai rejoint l'estrade.Au début je ne disais rien, scrutant chaque personne présente dans la salle.
Eux qui me regardaient et qui se demandaient quand j'allais parler ou si j'allais plutôt partir mais non je cherchais simplement le moyen de dire ce que j'avais sur le cœur.
Alors je pris mon courage à deux mains et me lançai.
- Matteo était mon ami, mon confident. Je me rappelle de notre rencontre il y a de ça dix ans. Il était arrivé un mois de mars dans son petit manteau bleu, le sourire aux lèvres comme s'il avait peur de rien. Je me rappelle aussi quand il m'a parlé la première fois. C'était juste pour me demander un crayon.
Je repris mon souffle et entamais la suite de mon discours improvisé.
- Depuis ce jour, nous sommes devenus de vrais amis, toujours ensemble à faire de mauvais coups pour le malheur de nos parents, qui nous punissaient toujours. Mais on recommençait car on aimait passer du temps ensemble.
Quand j'ai appris sa mort, j'étais sans voix. Je ne pensais pas qu'il réagirait ainsi. Pourtant je lui avais dit d'attendre que je sois avec lui pour le dire. Mais vous le connaissiez bien...
Quand il a une idée en tête, rien ne peut l'arrêter. Car il aimait un garçon et qu'il voulait absolument le partager avec sa famille. Il était heureux de leurs annoncer.
Je le sais, il me l'a dit après lui avoir avoué mon amour pour lui.
Je pris le temps de regarder les gens, ils étaient surpris par mon aveu et je pouvais les comprendre.
- Vous savez, on n'a pas choisi de s'aimer. Au début, on ne voulait pas l'admettre, on se mentait à nous-mêmes pour ne pas être mal vus. Mais l'amour qu'on ressentait l'un pour l'autre était trop fort pour nous, il nous attirait l'un vers l'autre comme des aimants.
Oui je l'aimais et je l'aime encore, et aujourd'hui il n'est plus là. Je ne vous dis pas comme j'en souffre, je me voyais déjà habitant dans une maison jusqu'à nos vieux jours.
Mais parce que vous ne pouviez pas accepter comment il est, il s'est ôté la vie et pour ça je vous en voudrais toute ma vie car vous m'avez pris ce que j'avais de plus cher en ce monde.
Je me demande combien de familles ont vécu cette situation et toutes celles qui vont encore devoir supporter la perte d'un être cher, combien de temps encore avant que vous ne compreniez qu'on ne choisit pas celui qu'on aime. Matheo, je t'aimerai toujours.
Et sur cette estrade je tombai en larmes sous les assauts de douleur que mon cœur avait encaissés depuis ces derniers jours. J'avais voulu rester fort mais cette fois-ci, c'était trop.