On était samedi. Enfin. J'avais passé les trois derniers jours à broyer du noir et à me ronger les ongles. Tante Kathryn elle-même avait remarqué mon changement d'humeur, mais elle pensait que j'étais juste un peu plus déprimée que d'habitude. Elle m'avait conseillé d'aller voir un psy. Comme si les nombreuses séances qu'elle m'avait payées avaient changé quelque chose à ma vie. Elle était vraiment à mille lieues d'imaginer ce qui échauffait mes méninges à l'heure actuelle et devait probablement réfléchir à la robe qu'elle allait porter le jour de mon enterrement si je finissais par craquer pour de bon. Un petit rire nerveux m'échappa à cette pensée. Ça ressemblait tellement à tante Kathryn : il fallait sauver les apparences quoi qu'il arrive, n'est-ce pas ?
Mais revenons-en à nos moutons : j'allais revoir Aidan. J'avais beau le détester en me souvenant de toute la peine qu'il m'avait causée, je n'arrivais pas à empêcher mon cœur de s'emballer quand je pensais à lui. C'était ridicule et je le savais, mais quand je fermais les yeux, je revoyais son regard moqueur, ses fossettes quand il souriait, sa mèche de cheveux noirs qui lui tombait sur le front et dissimulait ses yeux gris clair qui m'avaient fait perdre toute contenance des années plus tôt.
— Aelyn, ressaisis-toi, bon sang !
Dire ces paroles à voix haute me fit sortir de ma torpeur. Mon comportement était risible. Candy était venue se blottir contre moi dans mon lit, m'apportant un peu de chaleur et de réconfort. Heureusement qu'elle était là et que je pouvais la serrer dans mes bras pour trouver du courage et affronter ce qui m'attendait cette après-midi.
Je n'avais tellement pas envie d'y aller, j'étais si bien sous mon édredon : pourquoi je devais me torturer en allant voir des gens que je ne connaissais pas (ou que je ne voulais pas voir dans le cas d'Aidan) et faire semblant de sociabiliser alors que ça me tuait d'agir comme une personne normale ? Car il était évident que je n'étais pas comme les autres : je n'arrivais pas à prétendre être intéressante, à avoir des sujets de conversation, à discuter naturellement sans commettre une bourde. Penser à tout cela me donnait envie de vomir. Depuis quand n'avais-je plus passer du temps avec des jeunes de mon âge ? En serais-je capable ?
— Allez, j'y vais ! criai-je en lançant ma couette à mes pieds et en enjambant Candy pour sortir du lit.
J'avais presque 21 ans. Il était temps pour moi de sortir de ma zone de confort et de rencontrer des gens. En plus, on allait parler de la mythique ville de Babylone. Penser à elle me donna le courage de sortir de ma maison, même si j'aurais adoré glander dans mon lit en mangeant du chocolat devant Netflix. Babylone était une ville qui me fascinait depuis ma plus tendre enfance. Tout avait commencé quand j'avais compris l'attrait qu'elle avait exercé sur maman dans sa jeunesse, et peut-être dans l'espoir de me rapprocher d'elle par ce biais, j'avais dévoré tous les ouvrages de sa collection qui en faisaient mention. Je regrettais juste de ne pas avoir réussi à remettre la main sur son dernier carnet, celui qui datait de l'année de ma naissance car selon tante Kathryn, elle y avait séjourné juste avant leur rencontre. Peut-être qu'elle y avait rencontré mon père ? Le mystère qui entourait son identité m'avait toujours dérangée : je ne comprenais pas pourquoi elle n'en parlait pas, elle qui était si encline à raconter les moindres détails de sa vie et de ses découvertes dans ses carnets.
Penser à mon géniteur – ou plutôt à son absence – n'allait rien m'apporter. J'avais harcelé de questions tante Kathryn quand j'étais plus jeune, mais elle n'avait jamais réussi à me donner des informations dignes de ce nom. Elle ne l'avait jamais rencontré et ma mère ne lui en avait jamais parlé... Je n'allais rien obtenir d'elle, il valait mieux abandonner et me concentrer sur le présent : il me fallait une tenue pour me rendre à la première séance du club.
Un soupir m'échappa. J'étais tellement superficielle : je ne désirais pas particulièrement revoir Aidan, mais en même temps, je ne pouvais m'empêcher de vouloir être jolie ce soir – ou du moins présentable vu que le ciel n'avait pas été très clément avec moi et que j'avais ensuite abusé du chocolat pendant mes périodes de déprime.
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Aelyn, l'enfant de la lune
ParanormalAelyn va bientôt avoir 21 ans et vit avec sa tante Kathryn depuis le décès de sa maman quand elle avait cinq ans. Les deux femmes ne s'entendent pas très bien et Aelyn rêve souvent de s'enfuir à l'autre bout du monde. Elle déteste ses études de jour...