Aelyn, l'enfant de la lune

CHAPITRE 7

— Que fais-tu là ? me lança-t-elle encore plus froidement que d'habitude.

— Je... balbutiai-je encore sous le choc de cette apparition soudaine.

Dans l'embrasure de la porte, en pleine nuit, tante Kathryn semblait encore plus inquiétante que d'habitude. Sa silhouette se démarquait à peine du fond car elle était vêtue comme à son habitude d'une longue robe foncée. Je m'étais souvent demandé si elle ne se vêtait que de tenues sombres afin de porter le deuil de son mari, mais celui-ci était décédé depuis si longtemps que cela m'aurait semblé incongru. Quelle qu'en soit la raison, ses habits foncés lui conféraient un air sévère et ses lèvres continuellement pincées – du moins quand elle était en ma présence – soulignaient ce trait.

— Ta place n'est pas ici. Ne m'as-tu pas dit que tu craignais cet endroit et que tu ne t'y aventurais jamais ? Alors pourquoi tu es venue ici ? continua-t-il sur le même ton tranchant.

Elle se souvenait de l'histoire que je lui avais racontée enfant ? Et du monstre aux yeux violets qui avaient hanté mes rêves pendant de nombreuses nuits ? Elle n'avait pourtant pas semblé intéressée par ces histoires qu'elle avait qualifiées de « racontars d'enfant ». Ne me laissant pas répondre – une fois de plus – elle glissa son regard vers le sol et remarqua la présence de Candy à mes pieds. Son visage se contracta et elle laissa échapper un « C'est encore à cause de ce satané animal... ». Semblant se rendre compte de l'incohérence de son comportement à mes yeux, elle se radoucit et joua avec son bracelet en or dont les breloques, représentant différents astres, me fascinaient depuis toujours.

— Mary s'est inquiétée en ne te voyant pas revenir pour le diner. Elle m'a dit que tu cherchais ton chien et que tu étais sortie dans le jardin dès qu'on était rentrées des magasins. Mais il est déjà minuit, qu'as-tu fait ici tout ce temps ?

Sa voix mielleuse me prit de court. C'était comme si elle essayait d'être gentille pour savoir ce que j'avais découvert exactement après avoir passé autant d'heures dans le jardin – et tout particulièrement dans cet abri de jardin. Stupéfaite par ce revirement de situation, je n'ouvris pas directement la bouche, mais en la voyant arquer le sourcil, je me dis qu'il valait mieux lui fournir une réponse dans les plus brefs délais si je voulais sortir de cet endroit vivante.

— Le diner a dû avoir lieu bien tardivement pour que tu ne t'inquiètes de ma disparition que maintenant... commençai-je.

Je m'étonnai moi-même de lui répondre de la sorte et à son visage, je sus immédiatement que j'avais commis un impair et que ma petite rébellion ne lui plaisait guère. Mais, avais-je tort pour autant ? Il est plus de minuit, tante Kathryn dinait toujours vers 19h30... Il lui avait donc fallu près de cinq heures pour venir à ma recherche ? Ce constat me frappa de plein fouet : j'étais vraiment insignifiante pour elle. C'était étonnant qu'elle ne m'ait pas jetée dehors quand j'avais eu 18 ans et qu'elle n'avait plus eu d'obligation légale à mon égard. Au contraire, elle m'avait gardée sous son toit et m'avait même inscrite à une université proche de chez nous pour que je continue mes études. Elle n'avait jamais abordé la question du financement de toutes ces années qui s'étaient soldées par un échec, pas plus qu'elle n'avait évoqué le sujet de mon départ.

— Aelyn..., soupira-t-elle.

Prenant conscience que je risquais de la pousser à bout si je continuais sur ma lignée, je préférai calmer le jeu et céder – comme toujours face au dragon.

— Candy avait disparu, je l'ai cherchée et je l'ai retrouvée ici. J'allais justement rentrer à la maison.

— Et cela t'a pris plus de quatre heures ? continua-t-elle sur le même ton, son regard errant vers la table qui se trouvait désormais derrière moi. Tu n'as touché à rien, n'est-ce pas ? Le jardinier est en train de préparer les plans de notre futur jardin japonais. Je lui ai dit qu'il pouvait utiliser notre abri comme bureau afin qu'il se sente à l'aise.