CHAPITRE 10

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Ce chuchotement eut un effet inattendu sur moi, amplifié par l'odeur de son parfum boisé qui pénétrait au plus profond de mon âme. Malgré moi, mon cœur se mit à battre plus vite, je peinais à respirer et je sentis une boule de chaleur se former dans le bas de mon ventre, me contractant les entrailles. Que m'arrivait-il ? Pourquoi la présence de M. Barrow me mettait dans cet état ? Ce n'était pas la première fois que je me retrouvais aussi proche d'un homme... Quoi que... Si, à bien y réfléchir, c'était la première fois. Les garçons n'avaient jamais prêté beaucoup d'attention à ma personne. Je sortais peu de chez tante Kathryn et personne n'avait jamais semblé intéressé par moi au point de m'aborder ou de me draguer. Jamais aucun homme ne m'avait sifflée dans la rue, je n'avais même jamais entendu un « ma jolie » sur mon passage. Pendant un certain temps, j'avais même été jalouse de ces filles qui se faisaient harceler dans la rue et qui se plaignaient ensuite sur Internet car, pour moi, c'était un signe qu'elles étaient désirables, alors que moi... Je n'avais même pas droit à « ça ». J'étais invisible, transparente. Je n'existais pas. Ce constat m'avait beaucoup blessée au fil des années, au point que ça avait éliminé le peu de confiance en moi que j'aurais pu encore avoir après mes années de lycée désastreuses. Je détestais de plus en plus le reflet que me renvoyait le miroir, les boutons qui inondaient mon front et résistaient à toutes les crèmes, les cernes qui s'étaient creusées sous mes cernes malgré mes nuits de sommeil complètes, les rondeurs de mon corps qui ne se trouvaient pas au bon endroit et mes cheveux qui frisottaient sans cesse. Je me détestais et je savais que c'était l'image que je renvoyais aux autres me faisant comprendre pourquoi ils ne m'aimaient pas. Et si je n'arrivais même pas à m'aimer, alors comment un homme aurait pu faire attention à moi et vouloir apprendre à me connaître ? J'avais fini par me refermer de plus en plus sur moi, à pleurer toutes les larmes de mon corps en serrant Candy contre mon cœur dans l'espoir d'avoir un peu de réconfort. J'avais honte de dire que je n'avais jamais embrassé de garçon alors que j'avais presque 21 ans, honte de ne jamais avoir eu de petit ami, honte de ne pas entrer dans la case « fille normale » alors que je cherchais si désespérément à y entrer depuis mon adolescence. Et surtout, j'avais peur. Peur que les années se ressemblent, peur que je sois au même stade de ma vie dans dix ans alors qu'au fond, j'aurais aimé fonder une famille, avoir un mari aimant, des enfants, un chien, une belle maison, un emploi stable dans lequel je m'épanouirais... J'avais encore de nombreuses années devant moi pour changer les choses et parvenir à ce but, mais vu que toutes mes tentatives jusqu'à présent avaient été vaines, je doutais de plus en plus que cet instant arrive et ça m'angoissait au plus haut point. J'étais bête de penser à ça alors que je venais enfin de découvrir des études qui me plaisaient et de retrouver Aidan... Mais, Aidan était parti avec Bérénice. Rien que tous les deux. Et il n'avait jamais vraiment prêté attention à moi. Je m'étais méprise des années plus tôt en imaginant que ses sourires m'étaient destinés et en croyant qu'il avait le béguin pour moi. Puis, quand je m'en étais enfin rendue compte, j'avais tellement souffert d'être rejetée une fois de plus.

Et voilà qu'un homme se tenait juste derrière moi après avoir joué avec une mèche de mes cheveux. Je pouvais même sentir sa respiration dans mon cou. C'était si nouveau pour moi et... inattendu ! Des frissons me parcoururent l'échine et je ne pus m'empêcher d'anticiper la suite. Allait-il me caresser le visage et m'embrasser ? Allais-je enfin avoir droit à mon premier baiser ? Cette pensée me fit paniquer : je ne savais même pas comment on embrassait ! Je n'avais jamais pu m'entrainer ! Et si je lui mordais la langue ? Et si je m'étouffais ? Les questions se bousculaient dans mon esprit et me stressaient au plus haut point. Je serrai les poings et fermai les yeux pour me donner une contenance. C'était à lui de faire le premier pas, il allait glisser ses mains sur mes hanches – ah non, pas mes hanches ! Il ne pouvait pas toucher mes poignées d'amour, ça serait un vrai tue-l'amour ! – il devait les poser sur ma taille, elle n'était pas fine, mais ça ferait l'affaire. Après cette première étape, il allait sûrement me retourner, puis m'embrasser et puis...

Aelyn, l'enfant de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant