CHAPITRE 4

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— Carter ! Il faut qu'on parle !

Aidan... Encore lui. J'avais réussi à l'éviter toute la semaine en m'installant au fond de la salle à chaque cours du Professeur Henry, mais cette fois-ci, il n'était pas venu dans la salle et avait préféré m'attendre devant la porte pour m'empêcher de fuir : le sournois !

— Pourquoi tu n'es pas venue à la réunion mercredi ?

Comment lui dire, sans le vexer, que je ne désirais pas le voir flirter ouvertement avec Bérénice pendant toute une soirée ? J'avais été tellement dégoutée de les voir repartir bras dessus, bras dessous après notre réunion que ça m'était resté en travers de la gorge. Je sentais que je n'allais pas devenir amie avec Bérénice, elle était bien trop imposante à mon gout. Mais pire encore, je n'avais pas envie que la scène du week-end dernier se reproduise : tante Kathryn m'avait vraiment mis les nerfs en jouant les dragons. Elle ne m'avait plus adressé la parole depuis son fameux sermon quand j'étais rentrée samedi soir – ou plutôt dimanche matin. Je sentais que je l'avais déçue et je voyais bien que quelque chose la tracassait quand je la croisais dans la maison, mais je ne me sentais pas assez proche d'elle pour lui poser des questions. Et franchement, je n'avais pas du tout digéré le fait qu'elle m'ait enfermée dans ma chambre toute la journée de dimanche. Pourquoi avait-elle réagi de la sorte ? Elle avait peur de quoi ? Que je m'envole ? J'avais tellement l'impression d'être une prisonnière dans ma propre maison que ça m'en hérissait les poils. Même les séries n'avaient pas réussi à détourner mon attention. Je broyais du noir. Littéralement. Voyant que j'étais plus ronchonne que d'habitude, Candy se tenait à l'écart – ou était-ce parce qu'elle était, elle aussi, fâchée de mon retour tardif ? J'avais l'impression qu'elle m'évitait tout autant que ma tante : c'était trop bizarre ! Et même si je ne suis pas du genre bavarde, c'est quand même déroutant de passer cinq journées entières sans adresser la parole à personne... Quoique... Ah si, j'avais adressé la parole à la vendeuse de cupcakes : rien ne vaut le sucre pour oublier ses maux, n'est-ce pas ?

Et voilà qu'Aidan me tombait dessus. À vrai dire, j'aurais préféré rencontrer Adélaïde. J'avais même espéré que ce serait elle qu'on enverrait pour me demander pourquoi je ne m'étais pas rendue à notre rendez-vous mercredi soir. Mais, ça n'avait été qu'un doux rêve... Surtout que je n'avais jamais vu Adélaïde sur le campus. Peut-être qu'elle étudiait ailleurs ? Il me semble l'avoir entendue dire qu'elle faisait un doctorat, mais je ne me souviens pas des détails. Je devrais lui poser la question la prochaine fois que je la verrais, c'est en s'intéressant aux autres qu'on se sociabilise, non ?

— Tu vas me répondre ?

Aidan et son ton impérieux. Comme si le monde tournait autour de lui. Il ne pouvait pas me lâcher les baskets ? Quand je pense que j'avais passé le collège et le lycée à espérer qu'on puisse se parler seul à seule, voilà que mon souhait se réalisait et que je n'avais qu'une idée en tête : m'en débarrasser.

— J'étais malade...

Comme à chaque fois que je mentais, je sentis une boule se former dans mon estomac. J'étais vraiment une piètre menteuse. Note à moi-même : ne jamais jouer au poker.

— C'était grave ? Quels étaient les symptômes ? Tu as eu la migraine ? Des engourdissements dans les membres ? Tu as eu le tournis ? Ta vision s'est troublée ? Ton oreille droite te chatouillait ?

Je dus étouffer un rire en entendant sa dernière question. Une oreille qui chatouille, vraiment ? Et la droite qui plus est ? Mais, qu'est-ce qu'il me chantait là ? Depuis quand on pose ce genre de questions à une personne quand on a toute sa tête... D'habitude, on veut juste savoir si la personne va mieux et ça s'arrête là, non ? Pourquoi voulait-il connaître les symptômes exacts ? Il devait devenir fou. Ou peut-être qu'il l'avait toujours été, mais que j'avais été aveuglée par son apparence au point d'en faire abstraction. J'ai toujours été trop superficielle, ce n'est pas un scoop ; mais j'avais eu l'impression qu'Aidan était différent des autres garçons... Enfin, ça c'était avant.

Aelyn, l'enfant de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant