Aelyn, l'enfant de la lune

CHAPITRE 6

Pendant tout le trajet du retour, tante Kathryn ne m'avait pas adressé la parole. J'avais pris son silence pour un signe d'autosatisfaction : la robe qu'on avait achetée ensemble lui convenait parfaitement, la mission du jour était donc accomplie et il était inutile de me faire la conversation après ça. Nous étions redevenues deux étrangères.

Malgré tout, je n'arrêtais pas de repenser à la robe, aux paroles d'Aidan et aux regards insistants des vendeuses. Devais-je poser la question au dragon ? Et prendre le risque de la mettre de mauvaise humeur et donc, de m'attirer ses foudres ? À plusieurs reprises, j'avais ouvert la bouche, mais je l'avais refermée aussitôt. Tante Kathryn n'aurait pas apprécié que je pose des questions alors qu'elle était au volant de sa belle Bentley. Et même si le silence était pesant et que j'aurais aimé le briser, il était plus judicieux de se taire et d'attendre qu'elle entame la conversation. Ce qui n'était pas arrivé. Même une fois à la maison, elle était sortie de la voiture sans m'accorder un regard et s'était dirigée vers son boudoir la mine sérieuse. Quelque chose devait à nouveau la tracasser, elle était ainsi depuis des jours.

Arrivée dans la maison, j'avais filé dans ma chambre dans l'espoir de trouver un peu de réconfort auprès de Candy, mais celle-ci était introuvable. J'avais beau chercher dans les moindres recoins de ma chambre, elle avait tout bonnement disparu ! Ça n'était pas dans ses habitudes et immédiatement je m'inquiétai. Où diable était passée cette boule de poils ? Et surtout, pourquoi devait-elle me causer une telle frayeur justement aujourd'hui ? Comme si les essayages avec tante Kathryn n'avaient pas été suffisamment éprouvants.

Candy se montrait froide à mon égard depuis mon retour à l'aube le week-end dernier, mais jusqu'à présent, elle était restée dans un coin de ma chambre attendant que je rentre de cours chaque jour. C'était comme si elle m'en voulait, mais qu'elle demeurait là à jouer les chiens de garde, à prendre soin de moi même si j'avais commis un impair car c'était son rôle. Mais cette fois-ci, elle avait failli à sa tâche et s'était enfuie !

Craignant le pire, je dévalai les escaliers et me mis à crier son nom dans toutes les pièces dans l'espoir de la faire apparaître comme par magie.

— Mademoiselle Aelyn, que se passe-t-il ? Ne criez pas autant. Votre tante vient de partir s'allonger dans son boudoir. Les emplettes l'ont fatiguée et elle a mal à la tête. Si elle vous entend, elle ne sera pas contente.

La gentille Mary, si bienveillante. Toujours à se soucier de moi et à essayer d'apaiser mes relations avec ma tante. Son amabilité à mon égard m'avait souvent sauvé la mise avec le dragon, mais là, tout de suite, ma tante était le moindre de mes soucis : Candy n'était plus là !

— Mary, avez-vous vu Candy ? Elle n'est pas dans ma chambre !

— La pauvre bête a gémi toute la journée en fixant la porte vitrée de la cuisine comme si quelque chose à l'extérieur l'intimidait. Je ne l'avais jamais vue ainsi et je viens de la laisser sortir. Elle doit se trouver dans le jard...

Je ne l'avais pas laissée finir sa phrase que je me précipitais déjà dans le jardin – je devenais comme Aidan. Le comportement de mon fidèle compagnon à quatre pattes était des plus étranges. Candy avait toujours préféré le confort de la maison au jardin et ne sortait qu'occasionnellement pour faire ses besoins : c'était un vrai chien de salon malgré son apparence de renarde sauvage. Mais, où se cachait donc cette petite cachotière ? J'avais beau l'appeler, elle ne montrait pas le bout de son museau et je m'alarmai de plus en plus. S'il lui était arrivé quelque chose, je ne m'en remettrais pas. Jamais. Au fil des années, elle était devenue ma meilleure amie – ma seule amie d'ailleurs – et ma confidente. Elle représentait bien plus à mes yeux que ma tante et je ne pouvais plus imaginer ma vie sans elle.