Relancer la conversation.

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Prompt : C'était la dernière chose à faire.

***

Margo bailla et ne chercha même pas à le cacher. Elle se frotta un œil fatigué. Jeta un coup d'œil à l'heure. Doux Jésus. Cela faisait presque deux heures que Quentin parlait et il était absolument intarissable. Le lancer sur le sujet Fillory, c'était la dernière chose à faire. Margo avait seulement envie qu'il se taise, boive, fume, se drogue, vomisse, mais par pitié qu'il la ferme. Seulement, elle ne pouvait pas compter sur Eliot, son complice de presque toujours – en tout cas, Margo ne se rappelait guère sa vie avant lui – qui avait l'air complètement fasciné par Quentin. Chaque fois que Q fermait enfin sa bouche de gars passionné, El relançait la conversation, et chaque fois l'autre se laissait appâter et répondait tout en faisant un immense développement qui prenait des plombes, jusqu'à la prochaine question d'Eliot.

Margo connaissait suffisamment son ami pour savoir qu'il était amoureux, mais elle ignorait si lui-même le savait, ou même s'il se le permettait. Eliot étant ce qu'il était, il se disait peut-être qu'il ne le méritait pas, que Quentin n'était pas pour lui. Conneries. Eliot était loin d'être parfait, mais c'était un véritable nounours à l'intérieur, cœur fondant et grosse guimauve. Et puis Q ne manquait pas de défauts. Margo aurait pu en souligner un à l'instant : il ne savait pas s'arrêter.

Margo était le genre de témoin involontaire d'un amour qui ne voulait pas naître alors qu'il était déjà là. Elle adorait Eliot, mais elle aurait vraiment voulu qu'il se lève, attrape Quentin par le col et lui roule une pelle. Au pire ça cassait, et Eliot aurait pu juste dire qu'il avait pris trop de drogues ou que l'alcool lui était monté à la tête. Au mieux, ça passait et allelujah vous connaissez le chemin vers la chambre. Mais Eliot n'était pas comme d'habitude avec Q. Il était moins franc, plus timide, carrément tendre. Il agissait comme si Quentin était un petit animal fragile qu'il ne fallait pas brusquer. C'était mignon mais parfaitement ennuyant. Surtout quand elle se trouvait être la cinquième roue du carrosse, ou qu'elle devait subir les délires de Quentin sur Fillory, uniquement parce qu'Eliot adorait le voir si passionné.

Elle bailla encore. Elle se sentait de trop. Margo vit alors Alice prendre l'escalier pour monter dans sa chambre. Super, une échappatoire. Elle se leva d'un coup :

– J'ai un truc à dire à Alice.

Et s'enfuit. Eliot ne bougea pas. Q continua de parler comme s'il n'y avait pas eu d'interruption. Et au milieu de tout ça, ils se bouffaient des yeux.

Pour Quentin, c'était une vraie libération. Pouvoir parler jusqu'à plus soif de ce qu'il aimait, de ces livres qui lui avaient sauvé la vie, de ce monde qui était quelque part peut-être, ça faisait un bien fou. Le fait qu'Eliot ait l'air de vraiment l'écouter, de vraiment s'intéresser, c'était merveilleux. Personne n'avait eu ce geste pour lui depuis longtemps. Quand ils étaient gamins, il y avait bien Julia, mais elle s'était lassée, elle avait grandi. Pas Quentin.

Il avait encore la tête pleine de magie et de Fillory. Mais au bout d'un moment, il prit peur, il devait saouler Eliot. Celui-ci restait juste poli. Quentin s'arrêta au milieu d'une phrase et baissa la tête :

– Dé... Désolé, ça doit être ennuyant.

Il n'y eut pas de réponse, ou pas tout de suite. Quentin releva les yeux pour regarder Eliot, celui-ci souriait. Un vrai sourire, qui remonte jusqu'à ses yeux. Il n'avait pas l'air de se moquer, juste d'être content.

– Ce n'est pas ennuyant, assura-t-il.

Et son ton était sincère. Il ajouta :

– Enfin, ce serait très certainement très ennuyant, si c'était quelqu'un d'autre qui me parlait de tout ça, mais bon. Il s'agit de toi, alors ça ne l'est pas.

Quentin se tut. Que pouvait-il répondre à ça ? À part rougir, il ne pouvait pas faire grand-chose. Eliot ne put s'en empêcher plus longtemps, il remit les cheveux de Q derrière son oreille. Attardant sa paume sur sa joue.

Eliot l'aimait, quelque part au fond de lui il le savait, mais il avait mis des chaînes à son cœur, parce que Q était comme inaccessible. Mais même enchaîné, c'était difficile de résister plus longtemps alors que Quentin était si mignon, si passionné.

– El ? Appela Quentin.

– Q.

Quentin sourit, l'air à la fois gêné et amusé, ce sourire fut comme une flèche en plein cœur. Si Quentin ne laissait pas Eliot l'embrasser maintenant, il pourrait bien en mourir. Et pourtant Eliot ne bougeait pas, il n'arrivait pas à faire le premier pas. Il avait trop peur, trop peur de tout briser. Il commença à retirer sa main, mais contre toute attente, Quentin la rattrapa. Ils se regardèrent dans les yeux, ou plutôt se bouffèrent des yeux.

Est-ce que c'est Eliot qui entama le mouvement parce qu'il en crevait d'envie ? Est-ce que c'est Quentin pour l'encourager ?

Au final, leurs lèvres atterrirent l'une contre l'autre, dans un baiser tendre et pleins d'envie. Chaud et doux. Eliot en avait embrassé des bouches, aucune ne lui fit l'effet de celle-ci. Quentin était maladroit jusque dans ses baiser, et bordel que c'était agréable. Et Quentin aussi prenait son pied. Il perdit sa main dans les bouclettes d'Eliot. Il était bien. Vraiment bien. Comme il l'avait été si peu souvent dans sa vie.

Margo redescendait les marches de l'escalier parce qu'Alice l'avait bien gentiment envoyé paître et sourit en voyant ses deux amis bouche contre bouche. Et ben, il était temps.

Fin.

L'autatrice : un soir, je m'ennuyais, alors j'ai écrit ça. 

Les MagiciensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant