Squa

#18

J'avais fini par m'endormir, faisant abstraction de la douleur qui resserrait l'étau sur mon coeur. Cette nuit là, j'ai mal rêvé. Je l'avais revu. J'avais revu cette scène insupportable. Je m'étais réveillée en sursaut, transpirante. Il faisait une chaleur étouffante dans le bus. Une envie me prit. Je voulais fumer une cigarette. Ça ne m'étais plus arrivé depuis longtemps. Je ne fumais pas souvent, seulement quand ça allait très mal. Je descendis de mon lit et fouillai dans mes affaires. Je ne tardais pas à tomber sur le vieux paquet de clope et le briquet qui lui appartenaient. Le briquet était un Zippo. Il l'adorait. Il avait toujours dit qu'il me reviendrait.

Je sortis de notre petit ensemble de quatre couchette avec un couverture sous le bras. J'allais m'installer à l'extérieur pour fumer et méditer un peu. Dans le couloir, un détail inhabituel attira mon attention. La trappe du plafond était ouverte et l'échelle était descendue. Étrange... une partie de moi avait envie de savoir pourquoi cette échelle était descendue, l'autre flippait totalement à l'idée de ce que je pourrais trouver en haut ou de ce qui était possiblement présent dans le bus. Oui j'avais regardé beaucoup de film d'horreur. Mais un tueur en série c'est si vite arrivé...

Saisissant mon courage à deux mains, je  posai le pied sur le premier barreau et entreprit d'escalader l'échelle. En haut, le vent soufflait un peu, mais la douceur de l'été restait agréable. Je me hissai à la force des bras. Un peu plus loin, sur le toit, un homme était assis. En m'approchant lentement, je distinguai la silhouette de Ken. Qu'est ce qu'il foutait là? Je l'observa un moment. Il était quasiment immobile. Seul son bras bougeait, signe qu'il était sûrement en train d'écrire. Devais-je le déranger pendant cet instant créatif? Je me dis que je n'avais rien à perdre. Je m'avançai et demandai:

"Qu'est ce que tu fais là?"

Ken sursauta et se retourna. Je l'installai tranquillement à côté de lui. Il me regarda, perplexe, étaler la couverture sur mes jambes et y poser le paquet et le briquet.

"C'est plutôt à moi de te poser la question."

J'haussai les épaules.

"J'ai vu l'échelle. Et puis j'aime bien les toits. En plus j'avais besoin de fumer."

Il fronça les sourcils.

"Tu fumes? C'est interdit au moins de dix-huit ans non? Sale gosse!"

Je ricanai à sa remarque et lui répondit d'un doigts d'honneur avant se déclarer.

"Ça m'arrive."

Il hocha la tête. Il ferma son carnet et tira la couverture à lui.

"Ken! T'exagères!

-Non! Je suis pas Xagère!"

Je ricannai.

"T'es un enfant Ken."

Il me sourit en tirant une bouille enfantine. Le silence s'installa. Je me risquai à demander:

"T'écrivais quoi?"

Il se tourna un peu vers moi.

"Tu veux lire?

-Je... non! C'est personnel."

Il sourit devant ma gêne. Il m'expliqua:

"En fait, je suis ton conseil. J'écris sur elle..."

Il ouvrit son carnet et me le tendis. Je jetai un coup d'oeil à l'écriture. Elle était régulière et soignée. Il n'y avait que peu de ratures.

Le café vient de fermer mais j'suis devant, j'reste
Quelle idée d'aimer une femme à l'humeur vengeresse ?
La dernière fois, j't'ai mis un plan, pas d'quoi péter un plomb
Mais tu viens d'une ville dangereuse qui te vend l'stress