Bonus S&T 2 : point de vue de S

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- Ecoute ça, c'est le remix de DJ snowbi.
Pete lance la vidéo sur youtube, qui par magie, s'étale aussitôt sur l'écran de la télévision. Les premières notes font vibrer les enceintes aux quatre coins du salon. C'est vif. J'ai soudainement l'impression de me retrouver en boîte de nuit avec mes tympans qui captent chaque onde d'instruments que je suis incapable de reconnaître parmi tous ces BOUM.
- Hey, ça envoie ! je lance par-dessus le volume déjà très important.
Si ma mère était là, elle me lancerait un regard noir. Mon père... Mon père je n'y pense même pas.
- T'as vu ça ?! répond Pete.
Il balance sa tête en rythme avec la musique électronique et finit par retirer ses lunettes qui glissent un peu plus à chaque mouvement vers le bas, avant de reprendre le même rythme déchainé. Il me fait tant rire que sa joie me contamine et je finis moi aussi par lever un bras pour battre la mesure.
J'entends Adélaïde crier un « wouhou ! » qui m'indique qu'elle a cessé de s'exercer à ses verbes irréguliers. Ça ne m'étonne pas. En plus de la musique qui empêche toute concentration, sa meilleure amie l'a abandonnée pour faire les crêpes qu'elle a subitement proposé de faire pour Dieu sait quelle raison. Mais c'est Célia. Ça ne m'étonne pas plus que ça non plus. Les gens disent souvent de moi que je suis sanguin. Ils ne connaissent pas ma sœur. Ça s'voit.

Elle se laisse guider par ses envies subites. Je ne connais pas plus énergique qu'elle.
- J'ai faim, je lâche sans utilité aucune.
Pete est penché sur les propositions de lecture de youtube si bien qu'il ne m'entend pas. Pendant une petite minute je me laisse bercer par la musique - si on peut appeler ça comme ça - et me perds dans une petite danse improvisée qui vise essentiellement le haut de mon corps. Un peu de silence me fait du bien. Par silence j'entends l'absence totale d'angoisse. Ma mère absente et mon paternel biologique en déplacement pour son travail, je respire. Ça peut paraître horrible dit comme ça, mais je n'ai quasiment aucune accroche avec ma famille proche. Ma famille c'est Célia. Et c'est p'tet bien parce qu'on ne s'entend pas trop avec nos parents qu'on ne se déteste pas trop comme la plupart des frères et sœurs à notre âge. La musique remplit ma tête autant que ma cage thoracique. C'est de ça dont j'ai besoin. De musique et de mes amis. Ma sœur, mon meilleur pote, Adé' bien qu'elle passe la plupart de son temps à m'emmerder... Je me retourne en me rappelant que notre maison accueille un autre invité. Depuis le canapé en cuir noir, je le vois, debout, accoudé sur le dossier de l'une des chaises de salle à manger. Il est penché sur son téléphone en bon asocial qu'il a l'air d'être. Je juge pas. J'suis pareil. Mais on est entre nous là. Pas d'adultes. Pas de discussion chiante sur le bac, l'avenir, les élections politiques ou le prix du diesel. Ça m'fait presque de la peine de le voir seul alors que nous nous connaissons tous.

Soudain je le revois à la fête. Ce type s'est pointé à ma fête d'anniversaire, invité par ma petite sœur, sans même savoir que de un, c'était mon anniversaire, de deux, j'étais le frère de Célia. Je ne saisis pas trop la logique qui anime ce mec. Perso, si on m'invitait à une fête à laquelle je ne connais personne, assurément j'dis oui, bien sûr, je viendrai. Avant d'annuler la veille au soir au mieux, cinq minutes avant au pire. Sérieux.

Alors j'me lève et décide de le rejoindre. Aucune idée de ce que j'vais bien pouvoir lui dire. Je choisis au hasard un blague sur les L qui finiront tous au chômage, c'qui me permettra de jauger son degré d'humour. Remarque qu'il n'a pas eu l'air de grandement apprécier ma blague des L égale Loser, vu comme j'me suis fait remballer sévère un peu plus tôt. Peut-être que c'est un type méga sérieux. En plus d'être asocial. Mais je tente quand même l'approche. Après tout, il a apprécié d'écouter ma chanson préférée. Ce n'est pas rien. Ça prouve qu'on a tout de même quelques trucs en commun, nan ?

Alors que je traverse le salon et contourne la table, il ne me voit pas, toujours à fond sur l'écran de son téléphone. J'me demande bien ce qu'il y a de si fascinant à voir, alors je jette un coup d'œil par-dessus son épaule. Le genre de truc que je ne supporte pas qu'on me fasse en vrai. Mais je laisse ce léger détail de côté. Je hausse un sourcil en reconnaissant une photographie de moi. Précisément ma photo de profil facebook. Travis fait défiler les commentaires. Visiblement certains le font rire. Moi je ris moins quand j'le vois cliquer sur les options et enregistrer ma photographie, tranquillement. Je crois que mes sourcils sont si haut levés que je ne dois quasiment plus avoir de front. Mais pourquoi ce mec enregistre ma photo ? C'est un psychopathe, c'est pas possible. Je n'sais même pas ce qu'est vraiment un psychopathe au sens propre du terme, mais je décide que Travis en est un. Au cas où.

Dans les coulisses de L'esprit Du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant