Annexe, A&D

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Dans le cadre d'un jeu d'écriture de micronouvelles, j'ai eu envie de donner la parole à deux personnages que vous connaissez un peu :) un avant-goût de leur tome.

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Il me regardait, les mains dans les poches de son blouson usé, le bonnet enfoncé sur sa tête.
— Allez, tu m'fais confiance ou quoi là ?
— Mais c'est pas une question de confiance, répondis-je pour la deuxième fois.
L'air passablement ennuyé, il me fixait sans broncher, attendant patiemment que je me décide. J'allais craquer et il le savait. Moi aussi. Mais j'étais morte de trouilles. Je n'avais jamais fait ça avant. D'ailleurs, si l'on devait reprendre les bases, je n'avais jamais côtoyé de garçon aussi longtemps. Pas de manière douce en tous cas.
— Je suis trop grosse pour grimper là dessus tu sais bien.
— Mais arrête tes conneries, Pontois. Tu vas monter tes fesses la dessus. En plus il commence à pleuvoir, rétorqua-t-il.

Effectivement, je vis à l'instant même une goutte s'écraser sur son nez. Il la chassa du plat de la main avant d'enfoncer de nouveau celle-ci dans sa poche. Le temps que je me perde dans la contemplation de la pluie qui s'écrasait sur sa peau brune, il reprit la parole.
— Bon alors en fait je t'explique, meuf. Tu vas te poser tranquilou sur ce siège, parce que si c'est pas toi qui l'fais ce sera moi...
— Tu tiens pas à ta moto, argumentais-je. Les motos ne sont pas faites pour transporter des poids lourds !

J'étais fière de mon autodérision. Du moins, c'est ce que je me disais. C'est surtout ce qui me permettait de cacher ma douleur. En m'attaquant moi-même, je ne laissais pas cet honneur aux autres. Mais c'était bien mal connaître ce garçon qui se tenait toujours en face de moi.
— Woh ! Eh, déjà le seul poids lourd que tu transportes c'est celui de ta connerie. Ça suffit ces salades là. Allez, grimpe !
Face à mon manque de réaction, Diego retira subitement son bonnet, passant sa main dans ses cheveux bruns d'un air las. Il reprit finalement.
— Hé, moi j'ai toute la nuit, frangine. Tu veux rester là ? No problem. On va rester là. Y'a no soucis même.

Il remit son bonnet en place, prenant le soin de dissimuler le bout de ses oreilles, et se mit à farfouiller dans ses poches à la recherche d'une cigarette. Quand il trouva son paquet, il en fourra une entre ses lèvres et sans plus s'occuper de moi, fouilla son autre poche afin d'y dénicher son zippo.
— Tu devrais pas fumer, dis-je alors qu'il portait la flamme à l'embout de sa cigarette qui s'embrasa aussitôt.
— Et toi tu devrais pas t'occuper de l'avis des gens mais tu l'fais. Chacun son délire, répondit-il derechef.
— Je m'occupe pas des autres, me défendis-je.

Ce mensonge ne passait pas. Il ne trompait ni mon cerveau défaitiste, ni le jeune homme en face de moi qui me jeta un regard, ce dernier traduisant parfaitement un silencieux " arrête de me prendre pour un con s'teplait". Par respect, je ne rajoutai rien. Je commençais à sentir le froid transpercer mon imperméable quand dans le même temps, la pluie déposait une fine brume sur mon crâne châtain. Diego fumait en silence, imperturbable à côté de sa moto. Finalement, comme d'habitude, il parvint à me surprendre.

— On va faire un deal, m'annonça-t-il en exhalant la fumée grise empoisonnée.
— Non, décidai-je sans attendre.
— À ce que j'sache, je t'ai pas demandé ton avis. Je te dis, on va faire un deal.
Après un moment de silence seulement entrecoupé par la pluie qui s'accentuait et par les expirations de fumée de Diego, celui-ci continua.
— J'arrête de fumer, certifia-t-il.
— Vraiment ? m'étonnai-je.
— Si tu grimpes sur cette moto.
— Oh mais Bon Dieu, nan ! protestai-je.
— Pas de ça entre nous, Pontois, appelle-moi Diego. Ça suffira.

Je passai mes mains sur mon visage, évaluant toutes les possibilités qui s'offraient à moi. Il n'y en avait aucune. Plus aucun bus à cette heure. Hors de question de réveiller Célia. Quant à ma mère, je n'y pensais même pas.
— Tu te crois drôle ?
— J'suis grave drôle comme gars. J'suis sur, tu golri grave mais jamais tu l'avoueras.

Dans les coulisses de L'esprit Du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant