Dans la forêt : L'attaque

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Bethany était en pleine crise de panique.

Écroulée sur le parquet de la petite chaumière, elle peinait à respirer. À chaque inspiration, une sensation de brûlure glaciale irradiait de son thorax vers ses avant-bras, son abdomen et ses cuisses. Trembler, pleurer et haleter à grands râles étaient les seules actions dont elle était capable à l'instant ; toutes ses pensées se noyaient dans une impression aussi irrationnelle qu'irrépressible qu'elle allait mourir d'une minute à l'autre, que son cœur imploserait sous ses propres palpitations effrénées.

Cinq minutes plus tôt, Bethany elle-même n'aurait pu deviner la tournure que prendraient les évènements. Elle avait attendu, comme lui avait recommandé Matei, de voir ses compagnons s'éloigner sur le chemin pour se rendre à la chaumière. L'intérieur du bâtiment était exigu : le plancher et les poutres en bois renforçaient l'impression d'enfermement dû au manque de lumière. Une seule fenêtre, à gauche, donnait sur la grange de l'autre côté du ruisseau ; en-dessous se trouvait un plan de travail ; autour, des étagères accueillaient du bric-à-brac qui n'aurait pas dépareillé dans une cuisine paysanne du 17ème siècle. Une robuste table en bois massif, assortie de deux bancs, occupait l'essentiel de l'espace. Sur le flanc droit de la pièce rectangulaire, un escalier sans contremarches menait vers une petite mansarde, à peine assez grande pour accueillir un lit de paille et trois sacs en jute. En quête de l'indice, la jeune blonde avait retourné la paille dans tous les sens, vidé les sacs de leur grain, examiné la surface et le revers de chaque marche, regardé sous la table, soulevé les bancs, gratté les contours des lames du parquet pour vérifier si elles se soulevaient, vidé les étagères, examiné chaque pot en terre cuite. En vain. Essoufflée, dépitée, elle s'était appuyée quelques instants sur le plan de travail avant de se résoudre à admettre que le nouvel indice ne se trouvait pas dans la chaumière, mais bien dans la grange représentée sur l'indice précédent.

En relevant la tête, elle avait surpris à travers la vitre une figure noire, de dos, menacer un Matei accroupi d'une arme qu'elle devinait sans la voir.

Ses jambes avaient lâché avant même qu'une pensée cohérente ne puisse se former dans son esprit ; les mains vissées sur sa bouche pour réprimer un gémissement, elle s'était recroquevillée en boule contre une étagère, tâchant de gérer les milliers de voix qui éclatèrent à la fois dans son cerveau.

C'est fini, il va nous tuer. — Est-ce qu'il m'a vue ? — Il a eu Matei. — Sans arme, à cause de moi, il n'a aucun moyen de se défendre. — C'est fini, le Jeu est fini pour nous. — Est-ce que Lilith va bien ? Est-ce qu'il était tout seul ? — Il faut que je regarde à nouveau. — Ils vont me voir, ils vont me tuer ! — Je vais mourir. Je vais mourir. — Ils vont venir ici. — Il faut que je les aide. Il faut que je prenne le pistolet et que je les menace et que je prenne le pistolet et que je prenne le pistolet pistolet pistolet...

Elle revoyait en boucle la vision cauchemardesque qui l'avait accueillie à son réveil dans le Jeu. Tous ses muscles s'étaient rigidifiés. Son corps, aussi lourd et inamovible qu'une statue de pierre, ne lui obéissait plus. Ses yeux écarquillés dérivèrent, infiniment lents, vers l'arme à feu de Matt, l'air si inoffensive, ainsi fixée sur sa cuisse. Les mots du garçon lui revinrent en mémoire, comme pour la narguer. « Moi, je te fais confiance ».
Je suis désolée,
lui répondit-elle. C'est juste impossible. Je n'en suis pas capable... Tu as fait confiance à la mauvaise personne. Je suis désolée. Je suis désolée.

Les sanglots et les gémissements étouffés entachaient le silence de la chaumière. Bethany se sentait perdre le contrôle, sans qu'elle ne puisse rien faire pour l'empêcher. L'air vint à lui manquer ; sa joue trouva la rugosité des planches du parquet, sa bouche grande ouverte dans une tentative désespérée d'aspirer l'oxygène qui se refusait à elle. Un mélange clair et épais, de larmes et de morve, lui baignait le visage.

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