« Une pub passe, à la télé. Cette pub, c'était tout ce dont nous avions jamais rêvé, espéré. C'était la réponse à toutes nos prières.
Les Organisateurs le savaient. Les Organisateurs du Jeu savent tout, c'est pourquoi Ils nous ont choisis. »
***
Bethany Parker était affalée sur le canapé, amorphe, apathique. Ce jour-là était l'un de ces jours où tout lui semble dénué de sens et plus particulièrement son existence.
Son démon à elle, c'était la solitude. En effet, Bethany avait une peur panique de la foule et plus généralement des inconnus. Au fond, c'est un vice assez répandu ; il y a de fortes chances que vous y ayez déjà gouté personnellement. Seulement chez elle, ce n'était pas simplement une peur raisonnable ou de la lâcheté : c'était une maladie. Ce pourquoi elle se rendait tous les premiers vendredis du mois chez son psychologue, à cinq heures et demi du matin, quand les métros de sa petite bourgade ouvraient à peine leurs portes. C'était sa seule sortie du mois, c'était aussi l'épreuve la plus difficile de son existence.
Il n'était pas rare qu'elle vomisse à peine rentrée chez elle, comme cette fois-là. Elle verrouilla sa porte à triple tours, s'assit devant la télévision et se mit à pleurer, parce que ce vendredi-là était un vendredi plus dur qu'un autre. Son psychologue n'avait pas été très patient. Elle avait bien vu sa moue désapprobatrice quand elle avait fait tombé son pot de crayons par terre à force de trembler des mains. Ça pouvait paraître dérisoire comme raison de pleurer, mais quand on déçoit le seul contact qu'on ait jamais hors de sa famille... Il lui avait prescrit les petites pilules blanches. La bouche de la jeune fille de 17 ans se tordit dans une moue amère. Les petites pilules blanches, un signe qui ne trompe pas. Si même lui a perdu espoir...
Je ne les prendrai pas. Je ne les prendrai jamais, jamais. Bethany n'était pas une vraie croyante, mais elle pencha quand même la tête en arrière et ferma les yeux pour s'adresser à quelqu'un d'au-dessus, quelqu'un qui, peut-être, pourrait résoudre l'irrésoluble.
— S'il vous plaît, murmura-t-elle. S'il vous plaît, ne me laissez pas mourir seule. Ne me laissez pas mourir comme ça...
Soudain, une phrase brisa le silence solennel dans lequel elle s'était plongée. C'était tellement inattendu qu'elle ouvrit immédiatement les yeux et se plongea dans la télé.
« Vous avez entre 16 et 18 ans et vous rêvez d'aventure ? Vous en voulez plus que cet ennuyeux quotidien qui ne promet pas de changer ? Tentez la nouvelle télé-réalité survival de H.Y.A. : The Real Game ! De quoi seriez vous capable si vous deviez littéralement vous battre pour gagner ? Acier trempé ou poule mouillée, venez ici découvrir votre vraie nature, en vous opposant à des adversaires valeureux et en forgeant de véritables liens sur le fer de l'entraide et du besoin. De magnifiques paysages à visiter, une récompense d'un million d'euros à la clé, le tout sans aucuns frais de participations.
Convaincu(e) ? Envoyez votre inscription à l'adresse suivante ou sur notre site internet www.... »
La voix chantante du présentateur était accompagnée par des images de forêts sauvages et majestueuses, de jeunes en combinaison noire se tenant par les épaules, leurs sourires crasseux rayonnant de pur bonheur, un festin de couleurs vives se reflétant dans les pupilles dilatées de Bethany. Elle se leva, fébrile.
C'est ça ! C'est ça la réponse ! Ça ne peut pas être une coïncidence, on aurait dit que ce spot a été créé spécialement pour moi, pensa-t-elle en se jetant sur son Mac. Elle rédigea son inscription en à peine un instant, la relut brièvement avant de l'envoyer d'un clic résolu.
Ils vont m'accepter, pensa-t-elle alors avec une confiance absolue. Ça ne fait aucun doute.
Cette certitude inébranlable, bien qu'irrationnelle, permit à Bethany Parker de passer l'une des plus belles nuitées de sa misérable existence.
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Real Game
ParanormalÀ 17 ans, Bethany Parker, déscolarisée à cause de sévères troubles de l'anxiété, n'a qu'un seul rêve : avoir des amis. Héritière délaissée de parents aussi riches qu'absents, elle ne supporte aucun contact avec le monde extérieur, à son plus grand d...