Partie 1

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– Et vous, vous aimez ces chemises « slim » ?

J'essaye d'être franche. Au début, j'essaye toujours de l'être :

– J'aime bien à condition que le mec soit bien foutu. Sinon, ça boudine.

Elle glousse en répétant :

– Ca boudine, c'est vrai, ça boudine.

Je me demande si, comme moi, elle est douée pour faire la potiche ou si elle est réellement comme ça. Parce que si les femmes sont victimes des stéréotypes, c'est que c'est devenu la seconde nature de celles qui n'ont pas pu résister aux pressions de la société.

Ce soir, Soren m'a emmenée au restaurant avec un client. De temps en temps, quand il va à Londres, il invite ce type avec sa copine du moment. Celle-ci, c'est la deuxième fois qu'il l'emmène avec lui. Avant elle, c'était une brune avec une bouche siliconée qui disait toujours : « Ah oui, ah oui, vraiment... Bien sûr. » Jane, celle avec qui il sort pour l'instant à l'air plus intéressante... Il faut dire qu'avec le personnage que je joue, il m'est très facile de déceler la vraie nature des gens. Face à quelqu'un comme moi, qui affiche sa stupidité comme un blason, le masque tombe vite...

Au restaurant, c'est simple : les hommes parlent « affaires » et les femmes doivent faire la conversation entre elles. Entre femmes, on a toujours un petit truc à se dire non ? Les femmes sont bavardes et savent parler de tout et de rien contrairement aux hommes qui sont sérieux et qui vont droit au but. J'ai lu quelque part que les bébés filles parlent plus tôt, en moyenne que les bébés garçons. Vous voyez bien, notre propension à jacasser est génétique, gé-né-tique je vous dis ! Et on ne peut rien contre ça ! Je plaisante, bien sûr, mais s'il y a autant de gens qui le disent, c'est qu'il y a autant de débiles, vous ne croyez pas ?

– Le vôtre, il est bien foutu, il la porte bien, la « slim ».

Elle jette un regard concupiscent vers Soren. Je reconnais qu'il fait son petit effet avec sa chemise ivoire et son costume gris anthracite. Soren n'est pas seulement « bien foutu » il est superbe. Il a des yeux noirs, des cheveux très sombres et une peau qui bronze en quelques heures. Mais surtout, il dégage une impression de virilité, de force, d'autorité qui en impose à toutes les nanas qui passent. Et même à leurs mecs. Jane Fox ne fait pas exception. Pour l'instant, Soren semble passionné par ce que lui raconte son interlocuteur mais je devine qu'il s'ennuie. Je le connais par cœur depuis le temps qu'on est ensemble ! dans quelques jours, ce sera le deuxième anniversaire de notre première rencontre.

Tout en dégustant ma crème brûlée, j'observe Soren du coin de l'œil et je me demande encore comment on peut être encore ensemble après deux ans. Il faut dire qu'on s'est rencontrés à une réception chez l'un de ses amis. Lui invité, moi serveuse recrutée au dernier moment, en extra, pour remplacer une amie à moi. Toutes les femmes se retournaient sur son passage et je ne faisais pas exception mais je n'attendais rien de spécial. Vous imaginez bien que ma jupe noire aux genoux et mon petit tablier en mousseline n'étaient pas affriolants surtout quand on comparait ma tenue avec celle des invitées ! A un moment, je suis allée proposer des petit-four aux convives qui se prélassaient dans le jardin et j'ai entendu une conversation entre deux hommes :

– J'en peux plus des intellos, Aymeric, je te jure. Moi je veux une fille simple, qui n'a pas de cerveau. Juste un corps.

– Tu exagères. Ce n'est pas parce que Tilda était pénible que toutes les filles intelligentes le sont. Au contraire...

– Arrête le discours convenu, je le connais par cœur : « tu peux tout partager avec une femme intelligente ». Mais je ne veux pas tout partager. Tu comprends ?

La PoticheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant