La Potiche

Partie15

Agacé par l'absence de Lili, je consulte mon téléphone pour la énième fois mais elle ne m'a pas laissé de message. Je suis heureux de dîner avec Emeline, ce soir car cela va me changer les idées.

Je dois rejoindre Lili à Paris demain et je suis curieux de savoir ce qu'elle a fait de sa journée. L'agence de détectives à qui je m'adresse habituellement a tout de suite envoyé quelqu'un pour la suivre et je suis sûr d'avoir très vite un rapport. Ce qui est certain, c'est que si elle voit quelqu'un d'autre, notre aventure aura vécu et cette idée me déchire le cœur. Je n'arrive même pas à avoir honte de faire suivre Lili. Sa trahison est si douloureuse que j'ai besoin de savoir. J'en ai besoin. J'ai du mal à me concentrer sur autre chose que sur Lili : toute la journée d'hier, Lavaud m'a seriné à propos du rendez-vous avec Mori qui approche – plus qu'une semaine et demie – et je n'arrivais pas à m'intéresser à la question ! Il faut que je prenne mon mal en patience : mon dîner de ce soir devrait apporter des réponses à certaines questions et demain, Fallourd me dira ce que fait vraiment Lili quand elle va seule à Paris ! Quand je pense que j'ai gobé son alibi : quand je lui ai fait remarquer que l'appartement de sa mère pouvait attendre dix jours, Lili m'a expliqué qu'elle devait ab-so-lu-ment aller acheter des bas de soie rue du Faubourg St Honoré ! Comment ai-je pu la croire ! Avant, elle n'avait pas besoin de chercher des prétextes, il lui suffisait de me dire que sa mère avait besoin d'elle et ça suffisait ! Peut-être voit-elle quelqu'un d'autre depuis le début ? Tout à coup sa trahison devient évidente : si elle ne me trompait pas, quelle nécessité aurait-elle d'aller à Paris ? Enervé par ces questions, je sais que j'ai besoin de parler à quelqu'un et l'idée de voir Aymeric, lorsque je serai de retour à Paris, me rassérène.

#

Appuyé contre le dossier du fauteuil de velours où le serveur du Palazzio m'a invité à prendre place en attendant Emeline, je m'inquiète encore pour Lili au lieu de chercher une solution à proposer à Mori et cette idée m'agace. Un mouvement à ma droite me distrait de mes pensées. Emeline arrive, vêtue d'une robe d'un beau vert émeraude qui me fait penser à celle que portait Mme Mori à Tokyo. Ses magnifiques cheveux d'un noir brillants ne sont pas attachés et je dois reconnaître qu'elle est très séduisante : la robe met en valeur ses seins magnifiques et ses hanches très féminines. Je me lève pendant que le serveur lui tire sa chaise et elle me lance un regard qui ne laisse aucun doute sur la manière dont elle voudrait que se termine la soirée. Pourquoi me mettre le martel en tête à propos de Lili après tout ? Pourquoi ne pas profiter de ce qui s'offre à moi ?

– Bonsoir Soren.

– Bonsoir Emeline. Vous allez bien ?

– Mais oui. Merci beaucoup pour cette invitation à dîner. Ce restaurant à un délicieux jardin !

D'un signe discret, elle désigne la baie vitrée, derrière moi, au-delà de laquelle on devine un modeste enclos dont la végétation luxuriante est éclairée avec art.

– Je suis ravi que l'endroit vous plaise. Je ne m'attendais pas à ce que vous acceptiez de venir jusqu'à Londres pour dîner avec moi. J'avais compris que vous travailliez à Paris ?

– C'est vrai mais je conserve de nombreux amis, ici, et je viens souvent. Cela ne m'a pas dérangée de venir... pour vous voir.

Les intentions d'Emeline sont presque trop claires. Je lui en veux un peu d'être aussi transparente. Ne sait-elle pas qu'elle fait ainsi disparaître une partie de la magie d'un nouveau flirt ? Ce mot me paralyse une seconde : un flirt ? Emeline ? Nous avons d'abord une relation professionnelle. Est-il raisonnable de la faire dériver vers autre chose ? Elle caresse ma main du bout des doigts, sous la nappe et me sourit à nouveau. Je sens une certaine chaleur me monter à la tête. Puis-je céder à l'envie que j'ai de la baiser ? Lili n'est-elle pas allée à Paris pour faire je ne sais quoi ? Peut-être est-elle en ce moment même avec un amant ? Peut-être a-t-elle toujours eu un amant ? Je sais qu'elle me cache quelque chose, et qu'est-ce que cela peut-il être à part une aventure ?