– Lavaud ?
Le téléphone de Soren a sonné alors qu'il était dans la salle de bain. Par la porte restée entrouverte, j'entends sa voix autoritaire. Avant-hier soir, en rentrant du restaurant, il m'a accordé une attention distraite et je n'ai pas eu le cœur à le séduire alors je me suis endormie en pleurant. Hier, il est rentré tard, je dormais et il ne m'a pas réveillée. Je suis certaine que Soren est attiré par Emeline Bossard et je ne peux rien faire pour lutter sans trahir la Potiche. Ce matin, je fais semblant de dormir : je me sens incapable de faire la potiche. Si j'ouvre les yeux, je sais que je ne pourrais conserver mon rôle, je l'interrogerai sur elle et ce sera désastreux. Hors de question que je lui fasse une scène de jalousie. D'abord la potiche est incapable de comprendre le risque que représente Emeline Bossard, ensuite, c'est bien connu, les hommes ont horreur des scènes et enfin, je n'ai aucun argument à lui opposer, il niera, un point c'est tout. Plongée dans mes pensées amères, je n'ai pas suivi le reste de la conversation de Soren. Le nom de Leparoux me fait dresser l'oreille.
– Oui. Je pense que Leparoux va signer le contrat. J'ai bien vu que la décision n'était pas facile à prendre mais il va vous appeler pour prendre rendez-vous.
– ...
Oui, je serai au bureau dans une demi-heure et je vous ferais un récapitulatif des amendements à apporter.
– ...
– Non, non, rien d'important. Lavaud ?
– ...
– Lorsque ce contrat sera signé, il nous faudra un spécialiste de la sécurité car les données de l'entreprise de Leparoux sont très sensibles.
– ...
– Des données médicales entre autres, oui.
– ...
– Vous vous souvenez que je pars ce soir pour Tokyo ?
– ...
– Je vous en dirai davantage tout à l'heure. Mais j'ai une piste prometteuse... Oui, oui, une excellente idée ! Bon. A tout à l'heure, Lavaud.
Soren termine de s'habiller et sort de la chambre. Je reste longtemps sous les draps, mes larmes ont recommencé à couler et j'ai honte de ma faiblesse : après tout, si Soren est amoureux d'une autre, la Potiche que je commence à détester disparaîtra pour toujours, et ce ne sera pas une mauvaise chose ! Mais cela signifie que j'aurais perdu Soren.
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Il est presque midi lorsque mon téléphone sonne. Je suis plongée dans mon MOOC et la partie que je regarde est ardue. Le professeur fait référence à des connaissances théoriques complexes qui, je l'avais senti lorsque je les avais étudiées, l'an dernier, sont capitales pour assurer la solidité d'un cryptage. Je consulte l'écran et constate que c'est ma mère qui veut me parler. Je décroche aussitôt :
– Maman ?
– Ha ! Ma chérie, tu décroches !
Evidemment je décroche, quand c'est elle je décroche toujours. Une habitude que j'ai prise lorsqu'elle était si mal, il y a trois ans, et que j'ai dû tout lâcher pour l'empêcher de se suicider purement et simplement.
– Tu vas bien ?
– Mais oui maman. Et toi ?
Je n'ai pas la moindre envie de parler de Soren avec ma mère parce que je n'ai pas envie d'entendre « je te l'avais bien dit, il a trouvé quelqu'un d'autre c'était couru d'avance etc. » Mais maman n'évoque même pas le sujet et s'écrie d'une voix vibrante d'excitation :
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La Potiche
RomancePour plaire à Soren, Lili décide de jouer pour lui le rôle de la femme idéale, pensant que leur relation ne durera que quelques nuits... Mais leur histoire se prolonge et, alors qu'elle se passionne pour l'informatique et en particulier le cryptage...