Partie 17

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Voilà trois jours que nous sommes retournés à Londres et Soren est d'une humeur exécrable. J'ignore pourquoi mais il est immonde aussi bien avec moi qu'avec tous les gens qui l'approchent. Ce soir, nous dînons à nouveau avec Goldon et Jane et je vois bien que cette idée l'exaspère. Plusieurs fois, je lui ai demandé s'il avait des problèmes dans son travail mais il n'a même pas daigné me répondre. Depuis cette étreinte brutale, à l'hôtel Edouard, à Paris, Soren et moi n'avons plus fait l'amour. Il est revenu plusieurs fois à l'improviste, vers dix ou onze heures du matin mais n'a pas cherché à me toucher. A chaque fois, il avait un prétexte plausible et j'ai fait semblant de le croire mais je sais bien qu'il venait pour moi, pour voir ce que je faisais en son absence. Soren m'espionne-t-il ? Et s'il se doutait de ma double vie ? Que peut-il en savoir ? Lorsqu'il est rentré du travail, le jour où Emeline et moi nous sommes « croisées » au café, je le lui ai dit comme une bonne plaisanterie mais cela ne l'a pas fait rire. Il s'est rembruni et a boudé toute la soirée, comme si j'étais responsable de cette rencontre. Est-il en colère parce qu'il sort avec elle et ne souhaite pas que nous nous fréquentions ? Je n'ose pas le rassurer : il est hors de question que je devienne amie avec cette prétentieuse méchante ! Mais le fait est que Soren et moi ne nous entendons plus comme avant et si, moi aussi, je ne suis pas enchantée de dîner avec Goldon et Jane ce soir c'est parce que je n'ai pas la moindre envie de l'entendre me demander à nouveau : « et entre Soren et toi, il y a de l'eau dans le gaz ? » Ça, je crois que je ne le supporterais pas.

Le dîner traîne en longueur. Soren fait une tête de deux pieds de long et Goldon est toujours aussi puant et méprisant envers Jane. J'en prends aussi pour mon grade, sans doute s'est-il rendu compte que Soren était bien moins protecteur à mon égard que lors de nos dernières rencontres. Lorsque, mon dessert avalé, je me lève pour aller aux toilettes et laisser ses messieurs à leurs discussions « sérieuses », je suis soulagée mais oppressée.

Jane me rejoint quelques minutes après et je vois bien, à sa physionomie tourmentée que les attaques incessantes de son amant l'ont atteinte. D'ailleurs, à peine sortie de sa cabine elle murmure, comme pour elle-même :

– Il faut que je trouve du travail et que je parte au plus vite.

Il semble qu'elle poursuive notre conversation de l'autre fois comme s'il ne s'était pas passé plusieurs semaines depuis notre dernière discussion. J'essaye de m'extirper de mes propres soucis pour lui demander :

– A quel genre de travail penses-tu ?

– Je voudrais être chauffeuse de poids-lourd... J'ai toujours voulu faire ce métier.

– Chauffeuse ?

– C'est ça !

Elle me regarde avec un air de défi et ajoute :

– Après le lycée, je devais trouver un patron pour pouvoir suivre cette formation en apprentissage mais les chefs d'entreprise que j'ai contactées se sont moqué de moi. Ils m'ont dit que pour faire ce job, il fallait pouvoir « pisser dans une bouteille ».

Une larme menace de déborder au coin de sa paupière et je lui tends un mouchoir en papier qu'elle saisit avant de tapoter le coin de l'œil puis j'affirme :

– C'était des connards. Il n'y a pas besoin d'avoir des testicules pour conduire j'imagine ! Sinon, je ne vois pas quelle pédale on peut actionner avec !

Elle pouffe de rire et je lui demande :

– Alors, comment tu vas faire ?

– Je suis en train de suivre des cours. Je me suis inscrite sans en parler à William et j'ai payé les frais en utilisant sa carte de crédit.

La PoticheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant