Partie 16

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Confortablement installée sur le majestueux fauteuil en cuir de la suite de l'hôtel Edouard avec mon ordinateur sur les genoux, je consulte les messages postés sur le forum. Michelot m'a envoyé un court message pour me demander si je compte m'inscrire à l'université et me donne l'adresse de la personne à contacter directement. C'est étrange qu'autant de portes s'ouvrent devant ma passion depuis quelques semaines. D'abord l'invitation de 777 à lui envoyer un courriel pour discuter sans passer par le forum, ensuite la rencontre très sympathique avec Michelot et enfin sa proposition de m'aider à m'inscrire à Jussieu ! C'est le rendez-vous que j'ai pris avec 777 qui m'intrigue le plus : quand j'y pense, j'ai l'impression qu'il y a un piège là-dessous alors qu'il est évident que 777 ne sait pas que je suis une femme ni même que ma vie est un peu... originale. Pourquoi souhaite-t-il me rencontrer ? Il dit que c'est pour « affaires » et m'a fixé un rendez-vous dans un bar branché du deuxième arrondissement en plein après-midi. Que pourrait-il m'arriver ? Et puis je suis curieuse. J'ai vraiment envie de savoir ce qu'il me me veut ! Ce n'est pas un crime et le rendez-vous est fixé demain à 16 h.

Le forum n'est pas très animé depuis quelques jours et j'ai du mal à m'intéresser à ce qui me passionne d'habitude. Je ne suis d'ailleurs pas d'humeur à grand-chose. Hier soir, Soren est allé dîner seul avec un fournisseur et, en revenant, j'ai bien senti qu'il n'avait pas la moindre envie de faire l'amour. Soren est étrange depuis qu'il est rentré de Londres. Il est distant, froid et parfois sarcastique. J'évite au maximum de faire des réflexions de potiche mais du coup, je ne sais pas quoi dire... Soren a-t-il deviné quelque chose ? Doute-t-il de moi ? Agacée de me sentir aussi perturbée par son attitude, je m'oblige à démarrer une vidéo du MOOC. Qu'au moins, ma discussion avec Michelot ait servi à m'encourager ! Au bout d'une bonne demi-heure, je suis absorbée par les démonstrations de Valdemingue et je fais de mon mieux pour comprendre son raisonnement. Enfin une voix douce, au seuil du salon me fait bondir de mon siège : Soren me regarde, le visage un peu crispé. Que fait-il là à cette heure-ci ? Il est à peine onze heures du matin et il a dû partir très tôt ce matin puisque je dormais encore.

– Soren ? Tu... tu as oublié quelque chose ?

– Non mais j'ai besoin de changer de chemise, une des secrétaires a renversé du café sur moi.

Il montre quelques taches brunes sur son vêtement et commence à le déboutonner.

J'enlève mes écouteurs et ferme l'ordinateur d'un geste sec. Trop définitif peut-être car j'ai le temps de voir un éclair de méfiance dans ses yeux.

– Et toi ?

– Moi ?

– Oui. Que faisais-tu ? Pourquoi cet air coupable en refermant ton ordi ?

Il avance de quelques pas et répète, suspicieux :

– Que faisais-tu ?

Il sourit en parlant mais je comprends que la question est très sérieuse : ses traits sont durs, sa bouche crispée et son intonation est celle des mauvais jours. Sauf que d'habitude, ce n'est pas à moi qu'il s'adresse quand il parle comme ça. C'est la première fois qu'il a l'air furieux... contre moi !

– Je n'ai pas l'air coupable, Soren. Je ne comprends pas ce que tu veux dire...

Son sourire s'adoucit un peu et il dit :

– C'est l'air que tu avais quand tu m'as vu, en tout cas. Tu étais absorbée dans ta vidéo et, quand tu m'a aperçu, tu as refermé ton ordinateur comme si tu regardais quelque chose de défendu.

Que répondre ? Il est dans le vrai après tout ! J'essaye de m'en tirer par une pirouette :

– Tu as de la chance, Soren. Si on met du détachant, ta chemise redeviendra comme avant.

La PoticheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant