Août est passé depuis quelques jours, et la chaleur devient un peu plus supportable maintenant.
Je suis assise, au milieu du jardin avec entre les mains, un livre que je n'ai jamais réussi à ouvrir.
Depuis ce qui est arrivé à Papa, j'ai moins d'amis. Je n'en ai plus du tout en fait. Ceux qui étaient là pour moi, à l'enterrement, sont déjà partis dans les universités qui leur ont ouvert leur porte cette année. Moi je n'irais pas. Pas cette année en tout cas. Je ne sais pas quoi faire de toute façon, ça me laisserait un an de plus pour y réfléchir.
- Marysa !
La voix vient de la fenêtre entrouverte de la cuisine. Le visage de Tante Katherine me regarde en attendant une réaction. Je me lève et la rejoins, posant le livre que je tiens dans la main sur la table de la cuisine.
- Est-ce que tu pourrais aller m'acheter du beurre et du lait s'il te plaît ? Je n'en ai pas assez pour mon gâteau.
- Oui, bien sûr.
Elle me tend quelques billets et étire ses lèvres en un rictus. Tante Katherine a toujours ce voile devant ses yeux quand elle me sourit, je me demande toujours si c'est moi qui le provoque, ou si c'est parce qu'elle est triste.
Je prends l'argent et lui rend son sourire. Je sais qu'elle se fait du souci pour moi, mais je ne peux rien lui donner de plus pour le moment.
Je me mets alors en route vers l'épicerie à pied, elle n'est qu'à un pâté de maison de chez nous.
Sur mon chemin, j'attire les regards. Tous connaissaient Papa, pourtant, ils me regardent comme si j'étais un OVNI. C'est une petite ville, tout le monde se connaît ici, alors tout le monde m'évite. Soit parce qu'ils ont peur de ne pas savoir quoi dire, soit parce qu'ils se disent que s'ils m'approchent de trop près, je les contaminerai par ma malchance, qui sait ?
Dès que je mets un pied dans l'épicerie, la climatisation me frappe le visage, je frissonne.
- Bonjour ma petite. Comment vas-tu aujourd'hui ?
- Mieux qu'hier et bien moins que demain, Monsieur Anderson.
Monsieur Anderson est un vieil homme à la peau foncée, il est là depuis que je suis née. Toujours perché sur son siège, en face de la caisse. Mis à part ses cheveux et sa barbe qui ont blanchis, il n'a pas changé en 15 ans. Cette phrase est celle que je lui réponds toujours lorsque j'entre ici.
Je lui souris. Lui est resté le même en ma présence. Il est le seul à avoir gardé son sourire franc et ses yeux pétillants de vie.
Je vais chercher une boite d'œufs, une brique de lait et je retourne à la caisse lui faire face.
- Comment va Julia ?
Julia, c'est sa fille. Elle a quelques années de plus que moi.
- Oh tu sais, depuis qu'elle est à New York tout va bien pour elle. Elle s'est trouvé un petit ami à son travail. Je ne l'ai pas encore rencontré, mais je ne l'aime pas, ça je peux te le dire !
Il rit, je lui souris. Bien sûr qu'il va l'aimer. Monsieur Anderson aime tout le monde, il est la bonté personnifiée.
- Et toi, Mary, comment vas-tu ?
Son visage est redevenu sérieux, le mien se referme aussitôt. Mon envie de parler m'est passée.
- Ça va.
Je force un sourire, piètre performance. Je vois ses sourcils emmêlés se froncer, lui aussi se fait du souci pour moi.
Silencieusement, je lui tends les billets qu'il encaisse. Les yeux obstinément fixés sur le comptoir. Je refuse de croiser son regard bienveillant. Il briserait le mur que je me suis donnée tant de mal à bâtir.
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J'ai rêvé de nous
ParanormalLa perte d'un être cher est un événement traumatisant. Parfois, certaines personnes en sortent différentes, mais pas seulement mentalement. Une personne sur 10 000 développe à ce moment là un don. Il peut s'agir de n'importe quoi, mais sachez que l...