Chapitre 3

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« Je me trouve aujourd'hui dans une petite ville de l'Etat de New York où le temps semble s'être arrêté. En effet, aussi incroyable que ça puisse paraitre, le quartier est sous la neige alors que partout autour, il fait 26°C. Alors qu'a-t-il bien pu se passer ? Le climat est-il bouleversé par le réchauffement climatique ? Ou sommes-nous témoins d'un microclimat exceptionnel ? Je vous laisse en compagnie des spécialistes météorologistes qui ont l'air tout aussi perdus que la population de cette petite bourgade ! »

Je suis scotchée devant la télévision depuis que j'ai osé me lever. Tout cela n'était qu'un rêve, j'y mettrai ma main à couper, mais il faut admettre que ce qui est en train d'arriver est totalement fou.

J'ai déjà entendu parler de ces rêves qu'on dit « prémonitoires ». Peut-être que c'en était un. Je ne vois pas ce que ça pourrait être d'autre après tout, ce n'est pas comme si j'avais appris à contrôler les intempéries en une nuit.

Je secoue la tête et me dirige vers la cuisine pour observer avec envie le gâteau que Tante Katherine a fait hier en fin d'après-midi.

- Tu peux en manger autant que tu veux, je l'ai fait pour nous deux. Laisse-moi juste une part.

Elle sourit en me regardant. Quelque chose a changé dans ses yeux, le voile de tristesse qui lui obscurcit toujours le regard n'est plus là, remplacé par un éclat d'amusement.

Je ne peux pas m'empêcher de lui rendre son sourire, nous ne sommes pas très proche, mais cette tante-là me plaît plus que celle d'hier.

Alors je m'empare d'un couteau et tranche plusieurs parts dans l'objet de mes convoitises. J'attrape une petite assiette et me sers une part. J'hésite. Finalement j'en prends deux.

Je n'ai pas eu aussi faim depuis la mort de Papa. Peut-être est-ce le fait d'avoir cogité toute la nuit, ou alors c'est à cause du rêve ? Non, c'est ridicule, un rêve ne donne pas faim. Et il n'a rien à voir avec ce qu'il se passe à l'extérieur de la maison.

Je mène une cuillère pleine à ma bouche en observant le paysage par la fenêtre. Le soleil a déjà fait fondre la neige au sol qui s'écoule maintenant sur le bord des trottoirs, il n'en reste même plus sur les toits. C'est comme s'il ne s'était rien passé.

Aujourd'hui, je passe un peu plus de temps dans la salle de bain. J'essaye de coiffer mon indomptable tignasse noire mais finis par en faire une queue de cheval, laissant à découvert ma figure si pâle. J'ajoute du mascara pour relever mon regard gris et un peu de rose sur mes lèvres pour tenter de redonner un peu de vivacité à mon visage.

C'est comme si je me réveillais d'un très long sommeil où j'étais la spectatrice de ma propre vie. Je n'étais plus moi-même et ne redeviendrai certainement jamais celle que j'étais avant, mais un pas après l'autre, j'essaye de reprendre les choses en mains. Papa aurait préféré cette Marysa à celle d'hier, j'en suis sûre.

La journée a été plus productive que celle de la vieille, j'ai aidé Tante Katherine au ménage pour une fois. Elle a tenté quelques fois d'engager la conversation, mais l'énergie positive qui m'avait gagné la matinée est retombée après le repas du midi.

La nuit est presque tombée lorsque je tente une dernière fois de combattre la léthargie qui m'envahie de nouveau.

De la musique dans les oreilles, téléphone portable à la main, j'enfile mes basquettes pour faire quelques tours du quartier, comme j'en avais l'habitude avant que Papa disparaisse.

C'est la première fois que je cours sans lui, mais la sensation me manquait et je ne m'étais pas rendue compte à quel point.

Je tourne au coin de la rue devant une camionnette noire flambant neuve que je ne reconnais pas. Un voisin s'est fait un petit cadeau sympathique.

J'ai rêvé de nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant