chapitre 8

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Nous avons repris la route depuis plusieurs minutes maintenant et un silence de mort pèse depuis la petite démonstration au camp.
C’est Simon qui conduit je me trouve à l’arrière avec Lucas et Alexeï, Allie est à l’avant, les yeux fixés sur la route vaguement éclairée par les vieux phares du véhicule, elle est plongée dans un mutisme depuis que nous sommes partis, les sourcils froncés et le regard sombre de Lucas me fait comprendre qu’ils se sont disputés. Certainement à propos de la dernière phrase que je l’ai entendu prononcer.
Alexeï semble luter contre le sommeil, c’est le seul que je n’ai pas encore vu dormir, parfois, je le surprends en train de m’observer puis détourner le regard quand nos yeux se croisent.
Il est certainement vexé que je l’aie repoussé. Ou alors il préfère me laisser plus de temps. Si c’est la deuxième option, je lui en suis reconnaissante. Sinon tant pis.
Malgré ma colère persistante, je ne peux pas m’empêcher d’attaquer le deuxième paquet de cuisse de poulet épicés qui traîne à côté de moi depuis que nous avons démarré. Mon estomac ressemble à un gouffre sans fond, j’ai la bouche en feu et j’ai horreur de ça, mais je n’arrive pas à m’en empêcher. Je vais devenir obèse avant la fin de la semaine.
Après mon repas encore trop maigre à mon goût, je baille, mais lutte pour ne pas m’endormir. Et s’il se passait quelque chose de dangereux ? Si ma colère reprend le dessus, je risque de faire chavirer le van sans le vouloir, je nous tuerais probablement tous.
« Allie, je t’interdis de t’approcher d’elle lorsqu’elle dort. Elle est trop dangereuse. » Mon cœur se serre. Lucas a beau être le plus grand connard de l’univers, il a raison sur ce point.
J’ai la chair de poule en pensant au pire des scénarios et je finis par me redresser pour me garder éveillée, malgré la fatigue. Je ne veux faire de mal à personne, je suis trop dangereuse.
Au bout d’un moment, le jour finit par percer le ciel et Alexeï sombre. Son ronflement - curieusement agréable à l’oreille - est le seul son qui ressort de l’habitacle, c’est à ce moment-là qu’Allie échange sa place à l’arrière avec Lucas. 
Elle s’approche de moi avec un sourire encourageant, je la laisse approcher sans rien dire et elle s’assied à mes côtés.

- Il peut paraître assez désagréable au début, mais tu sais, il n’est pas méchant.

Elle parle à voix basse, certainement pour qu’il n’entende pas notre conversation. Je sais très bien qu’elle parle de Lucas et je lève les yeux au ciel, peu convaincue par son discours. Un sourire triste se dessine sur ses lèvres et elle baisse les yeux.

- C’est difficile à croire, je sais. Il ne t’a pas vraiment épargné cette nuit.

Elle marque une pause, semble vouloir dire autre chose mais referme la bouche. Ses grands yeux vert foncé se posent sur moi et ils attirent toute mon attention.

- Il a perdu sa sœur dans un accident de voiture il y a trois ans. C’est lui qui conduisait. Simon nous a trouvé presque en même temps à quelques jours près, je suis arrivée en première. Il n’a parlé a personne pendant plusieurs mois, sauf à moi. Je suppose que je lui rappelais sa sœur… Au début, il ne gérait pas du tout son pouvoir. Des objets volaient partout et tout le temps autour de lui. Il était si triste qu’il ne contrôlait rien et ça avait l’air de lui être égal, c’est comme s’il se laissait mourir.

Elle marque une pause et regarde à l’avant pour vérifier si Lucas l’entend et reprend.

- C’est idiot mais, il me fait aussi penser à mon grand frère, je pense que ça à créé un lien assez particulier entre nous, parfois il se croit obligé d’être autoritaire et protecteur envers moi, comme hier soir et ça le don de me mettre très en colère.

Elle sourit et je l’imite. Ce qu’elle décrit est vraiment l’idée que je me fais d’une relation fraternelle. Étant fille unique, j’ai toujours envié ça aux autres, je n’ai jamais eu personne avec qui me battre ou me confier, si bien que, quand j’avais cinq ans et que Maman est partie, je me suis même inventé un ami imaginaire pour pouvoir lui en parler, Fred a existé pendant deux ans et a finalement disparu de mon esprit.

J'ai rêvé de nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant