Chapitre 3 - Fautes professionnelles

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J'ai oublié de vous dire, la dernière fois, j'ai passé une autre commande à MayFireYana qui avait dessiné Fathia et Gavin, et cette fois, c'était au tour de Conrad et Landru ! Vous trouverez le résultat final sur : samsevenwrites.tumblr.com/post/184434465889/may-fire-yana-commissioned-by-samsevenwrites

(Franchement, la différence de taille m'éclate toujours autant, c'est ce qui a plu à MayFireYana aussi, d'ailleurs !)

Christopher Landru observait Moira tandis qu'elle tirait sur la languette du sac mortuaire, mais il avait beau scruter son visage, son expression restait parfaitement neutre : il n'y eut ni dégoût quand l'enveloppe révéla le cadavre calciné, ni colère à cause du discours de Mark Spencer.

L'espoir des androïdes d'être reconnus en tant que personnes autonomes s'était volatilisé, mais la KL400 restait impassible, n'exprimant pas la moindre opinion. Cette neutralité de machine était à l'opposé de Conrad qui devait, s'imaginait Landru, vivre un stress éprouvant. Est-ce que l'anxiété pouvait avoir des répercussions sur un corps mécanique ? Est-ce que le RK900 se fatiguait aussi de cet hiver qui n'en finissait pas ?

Avec son aide, Landru débarrassa la table d'opération du sac et retint une toux. Il détestait les corps carbonisés : les particules de cendres se baladeraient pendant des heures dans la morgue.

« Vous devriez porter un masque, docteur.

— Tu as raison, » il ouvrit un tiroir, sortit un masque et passa les anses derrière ses oreilles, « je voulais m'entraîner pour la saison des barbecues, mais ce n'est pas raisonnable. »

Elle se mit à rire, dévoilant ses petites dents blanches, bien plus jolies que celles du mort, qui étaient grises et noircies par la suie. Son sourire, en revanche, semblait aussi figé que celui du crâne.

Les os d'un corps brûlé à un tel degré devenaient aussi friables que des feuilles d'automne, quoique l'odeur fût bien plus forte, plus entêtante. Landru essayait de supporter son masque : il se sentait nauséeux depuis ce matin, et l'obstacle pour respirer rendait son estomac plus capricieux.

« Moira, peux-tu mettre un peu de musique, s'il te plaît ? »

Son assistante se dirigea vers l'ordinateur.

Une fois, elle avait diffusé une playlist de Loreena McKennitt depuis sa bouche, mais Landru lui avait demandé de ne plus recommencer : une bouche statique ne pouvait pas déverser des sons, c'était... dérangeant.

Les enceintes accrochées au-dessus des armoires se mirent à passer des chants celtes, le genre d'hymne qui arrive à faire aimer la pluie, à la seule différence que celle de Detroit battait des trottoirs noirs plutôt que des plaines verdoyantes.

Landru avait toujours été un amateur de musique celtique, et la chevelure flamboyante de Moira lui donnait l'impression de s'être téléporté à Dublin. La harpe inspirait à être délicat avec les morts sur sa table, à prendre le temps face à un état devenu constant.

« Vous semblez un peu livide, docteur, est-ce que tout va bien ?

— Je n'arrive pas à dormir, en ce moment. »

L'hiver commençait à paraître long, trop long, et le discours du politicien avait perturbé l'opinion publique, rendant les habitants de Detroit nerveux. Ils ne savaient plus s'ils devaient regretter ou se réjouir que la révolte ait échoué, s'ils pouvaient sympathiser avec les robots ou, au contraire, les craindre. Quand une voix déclarait haut et fort que la sécurité était menacée, tout le peuple lui donnait raison.

Peut-être que demain, un astronome assurerait qu'une météorite s'abattrait sur la Terre dans moins de quarante-huit heures...

Ça n'avait pas été qu'un discours : les mots que Spencer avait employés avaient été forts, des mots comme instables, dangereux, étrangers, alarmants... Selon lui, la force et la ténacité d'un androïde en feraient un prédateur redoutable pour l'être humain, et l'émotion, si elle pouvait exister, serait aussi néfaste que le manque d'empathie. Ceux qui avaient brutalisé leur PL600 ou leur AX400 vivaient avec la menace de la vengeance, ceux qui avaient visité l'Eden Club pourraient payer plus cher que vingt dollars leur heure de jouissance.

Visage Familier III - L'Héritage de CyboreaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant