La vie encore précédée par la rencontre

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S'entama la période du blocus. Léo et Sacha révisaient à la bibliothèque. Durant les pauses, ils sortaient boire un verre ou s'entraînaient à la salle de sport. Alice et Myuzu empruntaient le kot de Thomas. Ils étudiaient chez lui, commandaient des pizzas et jouaient aux cartes. Arrivés à saturation, ils montaient sur le toit-terrasse du bâtiment. 

Les auditoires débordaient d'universitaires. Léo et Myuzu se croisaient au détour des couloirs. Ils se parlaient. Leur relation évoluait, un tissage embrouillé naissait entre eux. Petit à petit, ils se jumelaient, de nouveaux liens les enveloppaient, ils se racontaient des histoires différentes, usaient de mots semblables, ils aimaient se dire, ils aimaient leurs silences.

Mai s'acheva et les examens débutèrent, ouvrant la session à un amas de sentiments fiévreux. Quel est mon avenir ? Est-ce bien la voie qui me correspond ? Me suis-je trompé ? Ne vais-je pas rater ? Que diraient mes parents si j'arrêtais tout ? Quelle est ma vocation ? Qui suis-je ? On s'efforçait d'oublier les questions, on les cloisonnait dans un écrin, on épluchait ses cours. Qui suis-je ? Les questions revenaient, on se bouchait plus fort les oreilles. Il fallait réussir, le diplôme importait. Dehors, c'était l'été. L'astre hérissait ses rayons assommants ; la chaleur accablait les piétons, les plantes, les bêtes. Les chats traversaient précipitamment la chaussée et se réfugiaient au creux des ombrages propices. Les parasols exhibaient leurs couleurs crème qui abritaient des vieillards affligés. Les adolescents polissaient leur glace au cuberdon en léchant les vitrines des magasins qui arboraient mille trésors.

Les résultats tombèrent fin juin ; la ribambelle des déceptions et les triomphes qu'on glorifia à grands coups de vins et lumières. Myuzu avait récolté trois échecs, Léo avait obtenu son baccalauréat de justesse. Les crépuscules s'attisaient, les bistrots se ravivaient des bruits. La jeunesse reprenait ses droits sur la nuit. Les copies des synthèses avaient été jetées, les feuilles éparpillées au vent des bourrasques ; durant un mois, l'esprit serait gracié de travail, l'école annihilée. Des feux d'artifice éclataient. Ils éclaboussaient le dôme céleste par leurs pigments affolés, incendiaient les nuages. Léo et Myuzu poursuivaient leurs rencontres hasardeuses. Ils s'entrevoyaient aux comptoirs des bars, dans des maisons d'amis en commun, à proximité des parcs encombrés de familles braillardes, aux abords de la gare. Ils s'aimaient un peu, beaucoup, la vie encore.  

Parmi la multitude des toilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant