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RAPHAËL

Respirer. Il n'y a rien de plus simple. Pourtant je dois faire un effort surhumain pour recouvrer ma respiration. L'eau qui s'échappe de mes poumons me rappelle les dernières heures de ma vie. Je réalise alors que je suis vivant. J'ouvre les paupières avec difficulté. Mon premier réflexe est de chercher quelqu'un à mes côtés, Jessica, le petit ou son frère. Je suis troublé de ne constater que la présence d'une infirmière à mon chevet. Une de mes mains est chaude, ce qui me surprends aussi. Ma gorge me fait un mal de chien mais c'est le dernier de mes soucis. Malgré la souffrance que j'endure en le faisant, je demande :

- Où sont les autres ?

- Dans cet hôpital. Est ce que tu te sens bien ?

Il y a un accent dans sa voix, mais je n'y prêtes pas attention. J'ignore sa question et lui demande de m'emmener voir les rescapés. Si je suis en vie, il n'y a aucune raison pour que les autres ne le soient pas.

- C'est mieux que tu te reposes pour l'instant.

A ce moment précis, c'est la chose la plus débile qu'on ne m'est jamais dit. Je ne pourrais pas fermer l'œil, ni rester dans cette pièce à rien faire tant que je ne suis pas sûr que ceux qui étaient avec moi et ma famille sont en sécurité.

- S'il-vous-plait.

Elle doit avoir pitié de moi car elle pousse un soupir et me dit qu'elle m'emmèneras une fois que j'aurais répondu à ses questions. Après l'avoir fait, ce qui me semble être trois heures perdues, je sors finalement de cette chambre, toujours avec les mêmes habits trempés. L'infirmière me demande qui je veux voir, et sans réfléchir, je donne trois noms, ceux des dernières personnes que j'ai vue. Je me sens coupable de prendre des nouvelles d'inconnus, plutôt que de ma famille, mais c'est comme ça, je ressens le besoin de savoir qu'ils sont là, vivants et en sécurité. Je crois rêver quand une porte s'ouvre sur Arthur. Roulé en boule sur son lit avec un ours en peluche serré contre sa poitrine, il sanglote. Cette simple image parvient à faire glisser une larme sur ma joue. En temps normal j'aurais eu honte, mais pas dans ces circonstances. Je pleure de joie, mais aussi de tristesse parce que je me rends compte que bordel, j'ai failli mourir ! Et ce pauvre Arthur n'a aucune idée d'où sa maman peut être. Je ne cherche pas à cacher mes larmes quand je m'approche de lui. Je veux lui montrer que c'est normal.

- Arthur ? Je suis là, tout va bien.

Non rien ne va. C'est le genre de phrase sensé réconforter mais qui ne sont pas vraies. Je n'ai pas de meilleure exemple de situation pour démonter ce fait. C'est comme demander à quelqu'un qui pleure : « ça va », car c'est rarement le cas.

Arthur lève la tête vers moi, et son expression change. Son visage est strié de larmes, et il se jette dans mes bras, me serrant de toute ses forces. Personne n'a m'avais enlacé comme ça depuis longtemps. J'ai l'impression d'être son père, à la manière dont il s'accroche à mon t-shirt, comme si j'étais la personne qu'il aimait le plus sur cette terre. Après un long moment passé dans mes bras, un long moment où nous avons pleuré ensemble, il se décolle de moi et murmure :

- Elle est où Jessica ?

- On va aller la chercher, je lui réponds, alors que je ne suis pas certain qu'elle soit encore parmi nous.

Mais on positives. J'arpente l'hôpital en long et en large,ouvre des centaines de portes, pour finalement tomber sur la chambre de Jessica. Cette dernière fait les cents pas dans cette salle étroite, avec une expression stressée sur le visage. Elle est si occupée par ses pensées qu'elle sursaute quand le petit lui saute dans les bras. Elle reste stupéfaite un instant, avant de l'enlacer à son tour comme si c'était son enfant. Je reste interdit dans l'embarcadère de la porte tandis qu'elle parle à Arthur. Je les regarde, et mon cœur se réchauffe. Je sais qu'au moins, si les membres de ma famille ne s'en sortent pas, eux, au moins, seront là. Arthur se plaint d'avoir sommeil, Jessica en bonne mère le couche dans son lit, et reste à son chevet deux minutes, le temps qu'il lui faut pour sombrer dans le royaume de Morphée.

Une fois le petit endormi, Jessica pose son regard sur moi et une lueur indescriptible passe dans son regard. J'essaie de l'interpréter mais je ne pourrais dire si c'est du soulagement ou de la reconnaissance. En deux secondes, elle est dans mes bras. Elle me serre comme personne ne m'as jamais serré contre lui depuis longtemps, on dirait que c'est aussi le cas pour elle. C'est autant agréable que bizarre. Il y a vingt-quatre heures, je ne connaissais pas cette fille, et maintenant je l'enlace comme si c'était la personne que j'aimais le plus. Quand elle se détache enfin de mon torse, elle plonge ses yeux humides dans les miens. D'une voix rauque, elle murmure :

- Je pensais que t'étais mort.

- Mais je suis là. Et je ne comptes pas partir.

Elle hoche la tête et prends une inspiration.Elle a l'air au bout, et malgré tout, elle m'adresse un radieux sourire.

- Merci pour tout.

- T'as pas à me remercier. T'as été là pour moi aussi.

- T'as oublié ce que je t'ai dit au début ?

On éclate de rire, et après ce qu'on vient de vivre, ça donne faux. Je propose d'aller chercher de quoi grignoter. Après avoir gratté de l'argent aux infirmières, je reviens les bras chargés de cochonneries. Alors qu'on s'assoit contre le lit où dort Arthur, je lui demande si elle a des nouvelles de son frère et de ses cousins, mais elle me réponds à la négative. Quand elle me retourne la question, j'éprouve du mal à lui dire que la situation n'as pas changé. Elle doit le percevoir parce qu'elle me demande si je veux en parler. Voilà comment on se retrouve à manger des Reese's en rassasiant nos souvenirs respectifs avec nos familles, même si nous n'avons aucune idée de leur état de santé.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 01, 2020 ⏰

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