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RAPHAËL

Mes muscles s'engourdissent après une heure dans l'eau. Ça a été dur, mais on a fini par nous éloigner du débris de l'avion, où il doit rester plusieurs cadavres. Déjà, l'idée ne nous branchait pas, et on y a laissé un mort : le cousin de Jessica. Elle a été affectée par cette perte, comme tout individu qui possède un cœur, mais elle a vite séché ses larmes. Je suis presque sûre que c'est à cause d'Arthur. Ce gosse lui fait tellement confiance, ça se voit à la manière dont il agrippe son t-shirt. Mais son frère, lui, ne s'en remets pas.

Maintenant, on essaye de rejoindre les autres passagers, ceux qui ont eu le temps de sauter. Ma mère. Les jumeaux. J'espère que je les retrouverai. Arthur, dans les bras de Jessica, tremble. La température de l'eau est glacée pour un jour d'été. Jessica le serre contre son torse et lui murmure des paroles longues, à moins qu'elle lui chante des chansons. Je bats des bras et des jambes depuis un bon bout de temps, vu que je n'ai pas de gilets. Mathias non plus n'en a pas, on s'est sacrifié tous les deux pour les donner à Arthur et Jessica. Au bout d'un moment le petit demande :

- Est ce qu'il y a des crocodiles ici ?

- Non pas du tout. T'inquiète pas, on est en sécurité.

Elle me lance un bref regard, pour avoir mon approbation du mensonge. Parce en que je ne suis pas sûr qu'en plein milieu de l'océan on soit en sécurité.

- On est en sécutité, j'approuve à contre-cœur.

Elle m'adresse un petit sourire, soulagée.

- Et des requins, y'en a ?

- Non, pas du tout.

Je grimace et bats des jambes. Je n'arriverais plus à rester hors de l'eau encore longtemps, je le sens. Mais je ne le montre pas. Au bout d'une trentaine de minutes, alors qu'on a avancé de cinq-cent mètres, des gouttes tombent sur nos têtes.

- Dites-moi que je rêves, grogne Jessica.

- C'est pas comme si on était pas déjà mouillé...

Pourtant, quelques minutes plus tard, de grosses gouttes s'écrasent au dessus de nous.

- Merci le réchauffement climatique !

Bientôt, le courant nous emporte et j'ai beau les tenir de toute mes forces, j'ai peur que ça ne suffise pas. Ma tête est efouie sous l'eau, mais je respire toujours. Je sens deux mains s'aggriper fermement à la mienne, je me concentre sur la pression de nos mains pour oublier le reste. Je suis conscient que le seul manque de pression pourrait nous séparer. Ma respiration se fait de plus en plus lourde, j'ose ouvrir les yeux pour y voir flou. Je prends une dernière goulée d'air -ou d'eau plutôt- et tout devient noir.

CRASHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant