Aertherys - Tome 1: La Secte

Elle est vivante !

Quatre mois plus tard

Sammy termina de recopier sa leçon dans son cahier de mathématiques. La maîtresse expliquait les multiplications et lui avait donné des problèmes à résoudre parce qu'il avançait plus vite que les autres.

La manche de son pull se releva légèrement, dévoilant le début d'un ecchymose violet et peu discret. Il tira violemment dessus, ce qui alerta son copain Tim.

- Ça va Sammy ?

- Oui oui, mentit-il, refoulant une nouvelle fois les larmes qui menaçaient de couler.

- Pourquoi tu gardes encore ce pull ? On est en mai maintenant ! Y a du soleil maintenant !

- J'ai froid.

Tim n'insista pas.

- Sammy, tout va bien ?

La maîtresse, une jeune femme brune aux yeux cuivre, le regardait avec compassion.

- Oui.

- Tu es sûr ? Tu peux me parler de ta sœur si tu veux...

- Non, répondit-il brutalement.

La maîtresse s'agenouilla à sa droite et le fixa.

- Tu sais, ça fait du bien de parler un peu... c'est très dur de perdre quelqu'un qu'on aime...

- VOUS AVEZ PAS LE DROIT !

Sammy s'était levé d'un bond. Son visage avait rougi brusquement, il haletait. Ses yeux gris, auparavant tristes, étaient étincelants de rage, une rage étonnante pour un enfant qui venait de fêter ses neuf ans.
Couvert de sueur, il hurla à pleins poumons, sa voix enfantine grimpant dans les aiguës, avec l'énergie du désespoir :

- ELLE EST VIVANTE ! ON A JAMAIS DIT QU'ELLE L'ÉTAIT PAS !!

- Sammy, écoute-moi...

- JE VEUX PAS ! VOUS, VOUS AVEZ DÉJÀ PERDU L'ESPOIR MAIS ELLE EST LÀ ! JE LE SAIS !

- Samuel, arrête de crier ! Tu fais peur à tes camarades !

Il s'en fichait. Pourquoi personne ne voulait l'écouter ?

Pourquoi tout le monde disait que sa grande sœur était morte ?!

- Elle est vivante... fit-il, calmé, les larmes aux yeux. Je le sais qu'elle est vivante... Ash, elle peut pas m'abandonner comme ça. Elle ferait pas ça !

La vérité, il la connaissait. C'était lui qui lui avait dit de partir. C'était lui. C'était de sa faute.

Va-t'en !

Ne me touche pas!!!

Tu es dangereuse !

T'es une menteuse !

Il explosa en sanglots, des sanglots incontrôlables qui le secouait tout entier.

Tout ça parce qu'il avait eu peur ! Il avait eu peur de sa sœur quand elle s'était énervée contre David. Il l'avait prise pour une sorcière.

Il l'avait fait partir à cause de sa stupide peur ! Et maintenant elle ne reviendrait jamais, JAMAIS !

Ashley, elle n'avait peur de rien elle, avec sa maladie. Pourquoi il ne pouvait pas être comme elle ?? Pourquoi lui non plus ne pouvait pas être malade ?!

C'était trop injuste...

******

- Oui Monsieur... bien sûr je comprends... oui, Samuel est préoccupé par la disparition de sa sœur. J'ai essayé à plusieurs reprises de lui expliquer qu'au bout de quatre mois, les chances de la retrouver étaient minces mais... Bien. Oui parfait. Je le garde avec moi.

La directrice raccrocha et regarda le petit garçon tristement.

- Ton beau-papa va venir te chercher, Samuel.

À ces mots, Sammy se tendit sensiblement. David. Pourquoi sa maman ne venait jamais le chercher, elle ?

- Sammy... il faut que tu acceptes la vérité. Ta sœur ne reviendra pas. Je sais que c'est dur, se reprit-elle en le voyant pleurer. Mais on est là pour toi, bonhomme.

Il secoua la tête. À quoi bon essayer de les convaincre ? Personne ne le croyait. Et il était terrifié à l'idée de rentrer chez lui. Il voulait son papa.

Il voulait sa grande sœur.

Au bout d'un quart d'heure, David entra, il avait perdu quelques kilos mais était toujours obèse. Dès qu'il entra dans le bureau, il salua aimablement la directrice et raccompagna Sammy à la voiture.

Une fois installés, il souffla :

- Tu vas me le payer cher, sale morveux. Personne ne me dérange en plein match de foot. Encore moins quand c'est mon jour de congé.

Il frissonna et commença à pleurer. Le trajet lui parut si court, il n'avait qu'une envie, c'était de repartir en courant. Fuir. Fuir le plus loin possible avec sa maman.

Ils rentrèrent. L'enfant posa son sac.

Vlan ! La gifle partit en un éclair, il ne l'avait même pas vue venir celle-ci. David détacha sa ceinture et la prit en main.

- C'est la première et dernière fois que la directrice m'appelle en plein match. T'as compris ?

Tremblant, il acquiesça. Un coup de ceinture sur le ventre. Un autre sur le bras. Le dos. Les jambes. Il hurlait de douleur, le suppliait d'arrêter, il avait mal.

C'était ainsi depuis le départ d'Ashley.

Tous les jours, Sammy se faisait battre, il y avait toujours une excuse. Tout était bon.

L'humiliation qu'Ashley lui avait faite avait été si terrible, et la douleur qu'elle lui avait fait subir était si intense, que jamais il ne les oublierait. Il n'avait jamais parlé de ces... cette magie, personne ne le croirait de toute façon. Et il était furieux qu'elle soit partie, sûrement violée et tuée à l'heure qu'il est.

Alors il passait ses nerfs sur son frère, la prunelle de ses yeux. Incapable de se défendre. Un moins-que-rien. Il réservait bien d'autres tourments à sa mère, et les menaçait de les tuer s'ils parlaient. Alors nul ne disait mot.

David était ravi d'un autre côté que cette sale garce soit partie. Il n'avait plus aucune retenue à présent. Il était le seul et unique maître de la maison. Lui seul commandait.

Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres tandis qu'il donnait un autre coup. Personne ne le démasquerait. Que pouvait-il demander de plus ?

Parce que la seule qui pouvait l'arrêter était sans doute morte.