Chapitre 3

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Samedi 01/09/2018 – 8 heures

Sur le bord de mer à St Clair sur Mer

Assez rapidement, Joseph et Victoria empruntèrent la digue goudronnée qui se transformait ensuite en chemin côtier. Il était encore trop tôt pour que ce front de mer soit très fréquenté. Aujourd'hui, ils avaient préféré courir sur le bitume que sur le sable. Il commençait à faire bon et le soleil pointait son nez. On entendait au loin le bruit des vagues qui commençaient à s'agiter. Les mouettes et les goélands avaient envahi la plage pour y trouver de quoi manger. L'odeur de la mer mêlée aux algues venait picoter le nez des deux joggers. Cet exercice physique fit de nouveau prendre conscience à Joseph de son besoin urgent de se remettre en jambe. Son hygiène de vie durant sa dernière année n'avait pas été exempte de tous reproches. Victoria, qui menait la marche, fut la première à prendre la parole :

- Alors, tu as des idées pour ton prochain succès ?

- Honnêtement, je suis un peu sec. J'ai bien l'idée d'un astronaute de retour sur terre incapable de se réadapter, mais cela ne va pas très loin.

- Va marcher une journée sur l'île des Quinquey, ça pourra t'aider et t'inspirer, lui conseilla t'elle en faisant des exercices de respiration. Une fois sur place. Pas de voiture ! Que la nature et la mer. Idéal pour un grand rêveur comme toi.

- C'est loin d'ici ?

- En navette, tu en as pour trois quart d'heure. La meilleure solution consiste à y passer la journée.

- Ta proposition est assez tentante. Ma difficulté, c'est que si je vais là-bas, je vais me laisser distraire par ce qui m'entoure et je serai incapable de me concentrer sur un projet de livre. Tu sais, j'ai un vrai problème de concentration... et de motivation également.

Les deux amis avançaient dans leur footing matinal. Cela faisait vingt minutes qu'ils couraient. Soudain, l'un et l'autre furent surpris par un attroupement qui s'était formé sur la plage en contrebas. La brume se dissipait avec l'arrivée du soleil et le calme ambiant des lieux se trouvait perturbé par ce regroupement impromptu.

- Tu veux qu'on aille voir ? proposa Joseph dont l'attention avait été attirée par ces personnes ayant le même centre d'intérêt. Ils ont probablement découvert un dauphin qui a perdu son chemin et qui est venu s'échouer sur la plage.

- Bonne idée. Ça nous fera une pause, acquiesça Victoria.

Au niveau du poste de secours, Joseph et Victoria bifurquèrent pour descendre sur la plage. Une fois sur le sable clair, ils changèrent de rythme et se mirent à marcher en faisant des grands mouvements avec les bras. Ils rejoignirent un groupe d'une dizaine de personnes qui s'étaient amassées. La présence de policiers les étonna. Ils ne furent pas au bout de leur surprise car il ne s'agissait pas d'un animal échoué mais d'un naufragé renvoyé par la mer. Malgré les algues et un premier état de décomposition, il n'y avait pas de doute à avoir. Victoria, qui connaissait bon nombre d'habitants du village côtier, s'adressa directement à l'un des policiers qu'elle avait l'habitude de croiser dans son métier de journaliste.

- Bonjour, ça fait longtemps qu'on l'a trouvé ?

- Non, il vient d'être découvert par ces deux cavalières. Cela a tout l'air d'une noyade. Ce qui est étonnant, c'est que personne ne nous a signalé la moindre disparition.

En regardant le visage de la victime, elle ne reconnut pas une tête familière des habitants de la côte.

- Vous avez une idée de son identité ? reprit-elle avec une assurance apparente masquant son désarroi devant ce spectacle.

- A priori, ce n'est pas quelqu'un d'ici. Nous n'avons quasiment rien retrouvé dans ses poches. Il y avait quelque-chose ressemblant à une carte d'identité ou à un permis de conduire mais il est très abimé. Incapable dans un premier temps de lire un nom, mais il est fort probable que le noyé soit d'origine espagnole si j'en juge par quelques références lisibles sur le papier d'identité, commenta le policier.

Un SAMU s'approcha du bord de la plage. Deux hommes arrivèrent avec un brancard et une grande housse noire. Les policiers demandèrent à l'attroupement de se disperser et de laisser les ambulanciers faire leur travail.

- Cela fait froid dans le dos, constata Victoria qui resta un peu glacée par la scène.

- Allez, reprenons notre course et chassons ces idées de notre tête, suggéra Joseph qui avait déjà rebroussé chemin.

Une fois le corps évacué, les quelques badauds se dispersèrent aux quatre coins de la plage. Les deux femmes à cheval reprirent leur chevauchée vers le nord. Joseph et Victoria quittèrent les lieux en marchant tranquillement. Ils retrouvèrent le chemin de la digue et recommencèrent à courir pendant une demi-heure. Ils ne s'adressèrent plus la parole, un peu secoués par ce qu'ils venaient de voir. Heureusement, le soleil qui s'était définitivement levé était là pour les réchauffer du spectacle glaçant de la matinée.


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