Chapitre 11 : C'est la guerre

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Bellamy

C'est la guerre. Je le sens, dans l'air, dans le sang qui cogne contre mes tempes et pulse dans mes veines avec frénésie. Ce sang noir qui essaie de s'échapper de mon corps, comme si mon destin m'appelait. 

Nia a envoyé ses chiens ici, et pas besoin d'être devin pour deviner qu'il ne s'agit pas d'une visite de courtoisie. Autour de moi, tout s'est effacé, encore : la nuit, le paysage, l'herbe sous mes pieds, le vent dans mes cheveux. Seul résonne dans mon crâne le son lointain d'une altercation, et le rythme des tambours de guerre qui sont imprégnés dans ma mémoire. J'attrape Clarke par le poignet sans ménagement et l'entraîne à ma suite en ignorant ses protestations.

- Je n'ai pas le temps de t'expliquer, lancé-je tandis que je dévale précipitamment le plateau et saute sur le sentier escarpé, la jeune femme dans mon sillage.

Le trajet se fait dans un silence seulement troublé par le bruit sourd de nos chaussures qui claquent contre la terre dure, et par nos respirations essoufflées. En quelques minutes seulement, nous voilà à nouveau à la hauteur de Polis ; là, je lâche le bras de Clarke et m'élance en direction des grandes portes principales. Je plisse les yeux pour mieux distinguer dans l'obscurité, à l'entrée de la ville, les chevaux forcer le passage et les gardes de Heda être projetés au sol par les coups de lance de l'ennemi. Je grogne et pousse davantage sur mes jambes, portées par l'adrénaline et la rage qui monte peu à peu en moi. A cet instant, je n'ai qu'une seule pensée en tête : protéger Heda.

Il ne peut y avoir qu'une unique raison à la venue inopinée des Azgedas : une déclaration de guerre.

Ce n'est un secret pour personne que la Reine des Glaces jalouse depuis toujours le trône de la Commandante. Son rêve : faire tomber la Coalition et remettre en place le règne des Azgedas, comme autrefois, lorsque son père dirigeait. Je n'ai pas croisé la route de Nia souvent ; tout ce que je sais d'elle, c'est que c'est une femme impulsive, cupide et cruelle, mais pas stupide, néanmoins. C'est pour ça qu'elle attaque maintenant, à la tombée de la nuit, à l'heure où la garde se relève et où Polis baisse sa garde. Personne n'est en sécurité. Il n'y a pas de temps à perdre.

Lorsque nous atteignons l'entrée principale qui mène sur la place de la ville, les gardes, déboussolés, se relèvent précipitamment. Ils esquissent d'abord un geste méfiant dans notre direction, tendant leurs lances dans notre direction. Je fais un pas pour sortir de l'ombre, sentant dans mon dos la présence de la jeune blonde. C'est le plus grand des quatre sentinelles, Nyko, qui me reconnaît le premier et baisse son arme avant de s'effacer pour nous laisser passer. 

- Em's me, Naikou. Damn em, chit's going ona? lancé-je à l'intention de mon ami. (C'est moi, Nyko. Bon sang, qu'est-ce qui se passe?)

Sous son armure, je vois l'immense soldat esquisser un geste dépité. Visiblement, la surprise est générale. Je souffle profondément et, jetant un regard par-dessus mon épaule, j'intime à Clarke à me suivre d'un geste du menton.

- Fais attention à toi, Bellamy, me demande Nyko tandis que nous nous éloignons déjà d'un pas vif.

Je lui lance sans me retourner :

- Je sais me défendre. Occupe-toi plutôt de surveiller ces foutues portes !

Il ne nous faut pas longtemps pour retrouver les trois guerriers ennemis : au pied de la tour de Polis, une foule de Trikru, probablement attirés par le vacarme de leur arrivée, s'est rassemblée autour d'eux et les assaille de remarques aiguisées. Déstabilisés par cette soudaine invasion ennemie, les habitants de Polis protestent, mais avec une virulence modérée, gardant entre eux et les Azgedas quelques mètres de sécurité. Tout le monde connaît leur violence impitoyable. Mais cette prudence n'est même pas nécessaire : montés sur de grands chevaux gris, les soldats de la Nation des Glaces attendent, droits, immobiles, le regard posé sur la Tour. C'est comme si nous n'existions pas ; comme si nous étions des vagues en train de nous heurter à des rochers. Des fous essayant de faire parler des statues de marbre.

BELLARKE - À larmes égales [AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant