Chapitre 4 : Bellamy

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Bellamy

Je dépose Clarke, toujours inconsciente, sur le lit de la chambre qui lui a été attribuée. Nous autres, Natblidas, résidons au soixante-dix-septième étage de la tour, et ce ne sont pas les chambres qui manquent. Elles se ressemblent toutes : lit d'acier, peaux de moutons, chandeliers, murs de pierre, à l'image de la salle du Conseil.

D'une main, je tâte la poche de ma veste et en sors les menottes que m'a remis Heda. J'emprisonne les mains de Clarke sans aucun scrupule et attache ses entraves aux barreaux de son lit. Lorsque c'est fait, je me redresse, satisfait. Je n'éprouve absolument aucun scrupule à disposer de sa liberté. C'est même plutôt assez... grisant.

Je prends un instant pour contempler le visage de cette nouvelle rivale. Depuis que j'ai posé mes yeux sur elle, mon sang bouillonne à l'intérieur de moi, réclamant le sien. Cette fille, c'est une nouvelle étincelle, un nouveau défi que le destin amène à mes pieds pour me distraire, et auquel je brûle de me heurter. Je la regarde, la dévore presque des yeux, comme si elle était un jouet, une proie. Son arrivée ne fait que renforcer la soif constante de victoire qui m'anime.

Je pose une main sur sa joue, désireux de sentir le sang affluer sous cette peau si pâle, de sentir la vie se déchaîner à l'intérieur de cette enveloppe de chair, et j'éprouve un puissant sentiment de contentement à me dire que cette vie est maintenant entre mes mains. Ma langue passe sur ma lèvre inférieur, comme un prédateur se délectant d'avance du gibier qu'il s'apprête à tuer.

-Pauvre, pauvre tigresse... Dire que je ne ferai qu'une bouchée de toi, lui soufflé-je, un sourire satisfait et féroce étirant le coin de mes lèvres.

Comme si son âme avait entendu ma provocation, je vois ses paupières se mettre soudain à remuer. Sans ciller, je me recule légèrement. Lorsque ses prunelles claires s'ouvrent à la lumière et se posent sur moi, une lueur étrange passe dans son regard. Une expression sauvage vient déformer son visage. Elle ne met qu'un instant à réaliser qu'elle est attachée, et c'est alors que son corps se déchaîne, se débattant, s'agitant, luttant contre cette captivité qui l'empêche de me sauter à la gorge. Sans me quitter des yeux, ses iris lançant des éclairs comme s'ils voulaient me foudroyer sur place, Clarke pousse des hurlements terribles qui résonnent dans tout mon être sans pourtant le mouvoir d'un millimètre. Tel un rocher que les vagues assaillent en pleine tempête, je reste droit, inébranlable.

-Teik go gon me ! (Détache-moi !)

J'assiste, impassible, au déchaînement de son être et reste pourtant là à la regarder se battre contre elle-même, jeter ses pieds en l'air pour essayer de m'atteindre, et le sourire qui reste figé sur mes lèvres ne fait qu'accentuer cette colère qui me fait jubiler. Ce que je vois là, ça, c'est sa vraie nature, celle que je vais devoir affronter ; et j'ai hâte.

-Ne t'épuise pas tout de suite. Tu auras besoin de tes forces pour l'entraînement, lui conseillé-je en l'observant, les bras croisés sur mon torse avant de faire volte-face en direction de la porte.

Je quitte la pièce sous ses insultes et ses cris, et bien après que j'aie refermé la porte derrière moi, je les entends encore. Tandis que l'ascenseur m'entraîne vers la sortie de la tour, je repense à l'expression de son visage, à cette fougue qui transparaissait dans ses yeux bleus. Celle fille est différente mais je ne saurais vraiment m'expliquer pourquoi.

Lorsque je franchis les portes qui conduisent de la tour à l'extérieur, l'air frais me rassérène ; je lève les yeux vers le ciel clair et m'accorde une seconde pour profiter de ce temps clément. Une fois cette seconde écoulée, je me dirige en direction du marché qui sillonne Polis. Le printemps vient d'arriver et la capitale se réveille : partout, des échoppes et établis proposant à profusion nourriture en tout genres, armes, remèdes ésotériques soit disant miracle ou encore vêtements cousus à la main. Je m'arrête pour accepter une tranche de sanglier grillé qu'une femme d'un âge avancé me tend depuis son stand. Je la remercie, croque dans mon morceau de viande et poursuis mon chemin au milieu de cette effervescence, écoutant, humant et observant la ville, croisant la route de chevaux, de guerriers, de paysans ou encore d'artisans. Il faut bien que je m'occupe jusqu'au deuxième entraînement de la journée.

J'aperçois au loin mes frères du sang mais ennemis du cœur, assis sur un rocher, en train de manger et de causer comme des amis. Comme s'ils pouvaient se permettre d'être amis. L'une d'elles, Gaia, me fait un signe de la main auquel je prends soin de ne pas répondre. Je me détourne, exaspéré par ces démonstrations de fraternité insensées. Bien que j'aie dû grandir à leurs côtés, je n'ai jamais envisagé les autres Sang d'ébène que comme des rivaux et de futurs adversaires que je devrais terrasser. Il m'a toujours paru évident qu'il est impossible de se lier à quelqu'un que l'on devra tuer ou qui nous tuera ; malheureusement pour eux, les autres ne le comprennent pas et m'accusent d'être un connard arrogant et insensible. Je le nie pas ; seulement, j'ai mes raisons : ne pas aimer, c'est ne pas souffrir. Alors, tandis qu'eux ont passé leur vie à se nourrir de sentiments qui finiront par les mettre à terre, moi, j'ai passé la mienne à me préparer au jour où, le cœur sans entrave, je n'aurai aucun mal à tous les achever.

Un par un.

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Heya ! J'espère que l'histoire vous plaît toujours. Chapitre un peu plus court qui permet de s'immiscer un peu dans l'esprit froid et impassible de Bellamy et d'entrevoir la vie à Polis :) J'attends avec impatience vos commentaires pour qu'on puisse discuter de tout ça ! Le prochain chapitre arrive très vite.

xoxo

BELLARKE - À larmes égales [AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant