Le syndrome de Stockholm

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Emma regarde Nina assoupie juste en face. À force d'avoir vidé son âme de toutes ses larmes, la canadienne a fini par plonger dans un sommeil sans fond. Emma l'envierait presque. Ça a été une nuit particulière. La plus belle (pour le moment) et en même temps peut-être la pire.
("La pire nuit... Oh Emma tu as la mémoire courte... Elle te rend si folle qu'elle te fait perdre la mémoire") La pire ? Emma n'a jamais été aussi remuée de voir quelqu'un autant pleurer. Et elle s'en veut ... D'ordinaire, les larmes l'indiffèrent... D'ordinaire, elle s'en cogne de pourrir le corps et le cœur des gens... D'ordinaire, elle pense que pleurer comme ça c'est ridicule mais pas cette nuit-là... Cette nuit-là, les pleurs de Nina lui ont fait un mal de chien. Elle aurait même voulu la prendre contre elle, essuyer ses larmes et bon sang qu'elle se trouve pathétique... Depuis quand essuie-t-on les larmes des femmes ? Depuis quand éprouve-t-on de la culpabilité à leur égard...
Depuis Nina... Depuis Nina Dobrev.

Emma n'a pas perdu une miette de ce triste spectacle... Et pourtant son corps et sa tête lui refourguent les images de cette étreinte... ce qu'elle a pu ressentir durant cette étreinte bien trop courte. Elle s'imagine puérilement tout ce qu'elle pourrait lui faire encore ...tout ce qu'il y a encore à faire... Tout ce qu'elle n'a pas pu lui faire... Pourtant elle en a dévalisé des corps de femme... à la pelle...des centaines de femmes... À force de fouiller leurs corps, Emma avait fini par ne plus rien ressentir justement... Et ça lui allait... Elle satisfaisait un besoin...et ça s'arrêtait là... Alors pourquoi ce drame soudainement ?
Perdue dans ses pensées, une secousse la tire de là. Cette même secousse sort Nina de ses songes.
Enfin l'ascenseur semble reprendre du mouvement et les étages défilent à nouveau. Nina se redresse péniblement sans un regard pour l'autre.

Les techniciens les font sortir, en leur demandant si tout va bien... Si elles ont besoins de quelque chose. Ils sont désolés que le système d'alarme n'ait pas fonctionné...
Au fond d'elle, égoïstement, Emma remercie le ciel ou le dieu des ascenseurs d'avoir provoqué cette panne...

Nina court si vite dans la rue qu'Emma ne peut pas la rattraper. Nina s'engouffre dans un taxi... De toute façon, elles devront prendre le même vol pour retourner à Chicago...

Mais Emma ne connait pas Nina totalement. Ce que la canadienne est prête à faire pour recroiser le plus tard possible la route de la française...

Nina ne compte pas mettre un pied dans cet aéroport... Non, elle rejoindra Chicago en train... Ça prendra des plombes mais ces plombes-là seront nécessaires et bénéfiques...

C'est difficile à expliquer ce que ressent véritablement l'actrice à ce moment-là. Cette écorchure vive dans son corps et cette haine viscérale qu'elle éprouve envers Emma n'a eu de cesse de prendre plus de poids encore... ("À quoi ça sert de haïr les gens si c'est pour au final ...coucher avec eux... ?").
Tous ces sentiments sont tellement confus...Nina serre les poings, elle serre sa mâchoire pour refouler le nid de larmes encore présent. Bordel de merde... Qu'est-ce qui lui a pris... Emma n'avait pas le droit de faire ça... Elle a enfreint des limites, des règles ("Mais de quelles règles tu parles... ").

L'actrice a soudain un besoin presque vitale d'entendre la voix de sa mère... Mais elle se ravise... Sa mère ne la connait que trop bien, et elle verrait directement que quelque chose cloche. Elle se voit mal lui dire..(" coucou maman, j'ai couché avec Emma... Et ce n'est pas le pire... J'ai couché avec cette trainée et j'ai aimé ça... J'ai  même eu...un orgasme... Il y a truc qui a débloqué chez moi maman, il y a truc qui cloche... Je n'ai jamais ressenti ça et je devrai être blâmée pour ça... Je pourrai ressentir ça avec la terre entière mais pas avec elle maman... Je la déteste tellement... Tout chez elle me donne une rage sans nom... Tout chez elle m'agace, chacune de ses mimiques... chacun de ces putains de sourires vicelards... Et je me sens sale... Je me suis jamais sentie aussi sale... Maman tu ne le sais pas ... Même quand cette vermine d'Eyssiah m'a... Je ne me sentais pas aussi sale... Emma me fait sentir pouilleuse..").

Raturer les écorchures Tome 2 (Tome 1: Déchirures)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant