Chapitre 7 - Mia

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La première heure de physique le lundi matin est d'une violence extrême. La personne ayant pondu les emplois du temps est clairement quelqu'un n'aimant pas les jeunes gens de mon espèce. Un pur sadique. Lorsque la sonnerie retentit je me lève sans demander mon reste (cette matière pour la littéraire que je suis restera à jamais une vraie torture). C'est néanmoins traînant les pieds que je me rends au prochain cours : le français. Le contrôle qui est prévu doit durer deux heures et j'en suis soulagée. Pas de regard émeraude à éviter, juste le blanc de ma copie à noircir. Cela me convient parfaitement.
Nous entrons dans la salle où Moreau nous attend déjà, affairé à trier ses copies sur son bureau. Il relève la tête comme alerté par ma présence à l'instant où je passe la porte, un sourire imperceptible au visage. Mon ventre se tord de je ne sais quelle émotion à cette simple vue. Là, penché à son bureau, sa barbe de trois jours, ses cheveux en bataille et ce corps moulé dans ce combo jean/chemise lui confère une image parfaite, digne d'un magazine de mode. Dixit la fille qui ne voulait pas lui adresser un regard. Volonté proche de zéro.

— Bien, si tout le monde est arrivé nous allons commencer l'interro. C'est assez dense, ne perdez pas de temps. Les deux heures vous seront bien nécessaires. Le premier que je surprends les yeux ailleurs que sur sa copie sera collé cinq mercredis d'affilée. Compris ?

Tout le monde hoche la tête. Avec Dark Vador, personne ne bronche jamais.
Sans plus de cérémonie il distribue les feuilles et se rassied à son bureau tandis que je colle le nez sur ma copie. C'est parti.
À plusieurs reprises je sens son regard posé sur moi et après une demi-heure à combattre l'envie de le regarder rien qu'une toute petite fois, je me risque à relever la tête. Pour une fois il ne détourne pas le regard, ancre ses yeux aux miens, me détaillant presque de manière inconvenante. Je me demande si quelqu'un remarque quelque chose et un rapide tour de classe m'indique que tous sont concentrés sur leur feuille.

— Mia, ta feuille j'ai dit.
Pfff, Ducon !
Je retourne à ma copie en mâchouillant nerveusement mon bouchon et me concentre péniblement sur ma dissertation.

Les deux heures s'achèvent, je me lève bien décidée à partir dans les premiers. Comme quoi, tout arrive ! Je pose ma copie sur le coin de son bureau et tourne les talons lorsque sa voix grave m'interpelle.

— Attends une seconde Mia, je dois voir quelque chose avec toi. Tu veux bien retourner à ta place ?

Au ton employé ce n'est pas vraiment une question. Je fais volte-face, et retourne sur ma chaise, silencieusement. Et ultra-stressée. Je n'ai rien à lui dire... pourtant il va le falloir.

Un à un mes camarades rendent leurs devoirs et sortent vaquer à leurs occupations. Marie pose sa copie et vient me demander en chuchotant :

— Tu sais ce qu'il te veut tête de con ? Je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais il a l'air... crispé. Ou alors il est constipé. En tout cas, bon courage ! – Oh merci de me rassurer... On se rejoint devant le lycée et on pourrait aller manger au kebab avec les autres ?

— Oui pas de souci, ça fait longtemps. Je ne pense pas en avoir pour longtemps, mais allez-y et je vous y retrouve directement OK ?

Elle acquiesce et sort entourée de Lucas et Léa avec lesquels nous passons de plus en plus de temps. Ils sont vraiment sympas et ne se prennent pas au sérieux contrairement à la majorité des étudiants de ce lycée.

La classe se vide peu à peu, bien trop rapidement à mon goût. Moreau m'envoie quelques regards furtifs, comme pour vérifier que je sois toujours là, que je n'ai pas profité d'un flot d'élèves pour partir discrètement. Et dieu sait que j'en ai envie. Je résiste à la tentation, cela ne ferait que repousser le problème.
La dernière élève vient de déposer sa copie sur le coin du bureau de monsieur-le-magnifique et en profite pour lui couler un regard si mielleux que c'en est ridicule. Pétasse. Lui relève à peine la tête en lui souhaitant une bonne journée de façon si expéditive que s'il l'avait jeté dehors cela aurait été tout aussi délicat. Un poil vexée, la grognasse s'en va en réajustant nerveusement sa queue-de-cheval. Le maître des ténèbres range et classe ses affaires, comme si je n'étais pas là à attendre anxieusement qu'il me parle... Ce comportement me rend dingue, mais je ne laisse rien paraître, j'attends sagement. Après tout c'est lui qui veut s'expliquer, pas l'inverse.

Envers et contre toi -  *Sous contrat chez Black ink éditions*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant