OCTOBRE

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« Prépare toi, tu vas être en retard. »

Ma coloc me jette ma robe que je suis censée porter ce soir. Cette robe que je n'ai pas choisi. Cette robe qu'elle a décidé de m'acheter pour « me faire plaisir ». Je ne veux pas qu'on me fasse plaisir. Je n'ai absolument pas envie de m'habiller, de me maquiller, de les voir. Non, je ne veux pas les voir.

Aucun d'entre eux.

Laissez moi dans ma crasse et ma mauvaise humeur. Je vais encore entendre leurs histoires pathétiques : Maxime qui rame depuis un an pour reconquérir son ex, Eloise qui a raté trois fois sa première année de médecine. Abandonne bordel ! Nathan qui a arrêté de fumer pour plaire à sa nouvelle nana alors que je l'ai cramé en griller une l'autre jour dans la story de Maxime. Noémie qui ...

« Tu m'écoutes quand je te parle? »

Et voilà. Noémie qui se prend pour la maman du groupe ou plutôt de la portée que nous sommes. Je connais son discours par coeur : « tout le monde ne t'as pas vu depuis longtemps. Tu ne sors jamais de l'appartement. Le canapé est ton nouveau mec. Regarde, tu as même fait un trou tellement tu passes tes journées dedans quand tu ne travailles pas. Estime toi heureuse que ton patron accepte tes retards. » Elle ne sait pas que si j'ai encore du travail, c'est parce que mon patron ne cesse de me faire des avances. Je ne dis rien. J'écoute ses blagues salaces en espérant secrètement qu'il cesse un jour. Mais si ça peut m'aider à garder mon travail. La seule chose que je ne rate pas pour l'instant. Pendant un cours instant, je décide de la mettre en off dans ma tête jusqu'au moment où elle s'empare de la télécommande. Grave erreur Noémie. Grave erreur.

« J'ai encore un peu de temps devant moi. » Je lui reprends la télécommande des mains. Ce qui me demande un effort surhumain puisque je me lève du canapé pour ensuite me replonger dedans. Plus affalée que jamais, clope à la main droite, quatrième bières de la soirée à la main gauche. Noémie me lance un regard de chien battu. Pendant un cours instant, j'ai l'impression que c'est elle qui s'est fait plaquée. Elle m'arrache la bouteille de la main et me sermonne tout en allant dans la cuisine :

« Tu ne peux pas continuer comme ça sérieux. Ca va durer combien de temps cette histoire ? Vous n'êtes plus ensemble depuis plus de cinq mois. Il est grand temps d'avancer. »

Facile à dire. Tout lui réussit. Elle a un job de rêve. Un mec que toutes les femmes sur cette terre aimerait avoir. Des parents aimants. Un chat qu'elle nous a imposé dans la colocation qui est simplement : parfait. Dire que je n'en voulais pas au début ... La seule ombre au tableau dans sa vie ? Ma petite existence. Pourtant, c'est ce qui fait le charme de notre amitié. Rencontrées au banc de l'université, on ne s'est plus jamais quittée.

« Tu as gagné je me prépare. » J'écrase ma cigarette tout en regardant la télévision dans le vide quand j'entends Noémie hurler : « Tu es complètement allumée ma pauvre fille ! »

Qu'est- ce qui lui prend encore ? Je suis sur le point de lui en mettre plein la gueule, elle et sa petite vie parfaite quand je me rends compte de ma connerie. Je viens d'écraser mon mégot de cigarette sur la robe qu'elle vient de m'acheter. La soirée commence bien.

C'est décidé, je ne sortirai pas ce soir.

Calendrier affectifOù les histoires vivent. Découvrez maintenant