Calendrier affectif

MAI

Je ne sais pas comment j'en suis arrivée là.

J'avais réussi à sauver mon téléphone mais après une énième conversation avec Noémie, je m'étais résolue à ne plus jamais le revoir. On avait même fait un café groupé. Chose qui nous arrivait très rarement puisqu'il en manquait toujours un à l'appel. On avait tous voté et  Noëmie avait fait part du fait qu'elle disposait du statut de meilleure pote et que son vote comptait double. Tout le monde s'était mis à rire :
« De toute façon, on est tous d'accord pour dire que c'est mort. On ne veut plus que Clément revienne dans sa vie. »

J'en avais oublié la présence de Nathan jusqu'à ce qu'il prononce ces mots :

« Ce n'est pas le problème. Est- ce qu'Emma veut qu'il revienne dans la sienne ? Il est là le problème. »

Je ne l'avais pas vu depuis longtemps et il m'en voulait. Si ses yeux pouvaient parler, ils diraient qu'il me déteste profondément.

Toute la petite bande était gênée. Je l'étais encore plus en entendant sa voix se briser. Il n'osait pas me regarder depuis le début du café.

« Bon, je me casse. J'ai des dates de tournées à programmer. Salut les gens. »

Nathan venait de partir, casque de scooter à la main aussi rapidement qu'il venait de prononcer cette phrase qui résonnait encore dans ma tête :

« Est- ce qu'Emma veut qu'il revienne dans la sienne ? »

Au plus profondément de moi, je sais que je ne devrais pas. Je devrais accorder une chance à Nathan. Ce n'est pas Mathieu, l'homme à la soirée douteuse. C'est Nathan, l'homme aux multiples talents qui me regarde avec des yeux d'admiration, qui a toujours été là. Ce n'est pas pour autant Clément. Je ne veux pas m'engager dans une relation qui pourrait coûter notre amitié. Pourtant, notre amitié est détruite depuis quelques mois. Et il y a peu de chances qu'elle redevienne comme avant avec ce qui vient de se passer aujourd'hui.

J'avais besoin de retranscrire mes émotions et mes sensations suite au café que je viens de prendre avec Clément cette après - midi.

« Tu me plais toujours autant. »

Il avait prononcé cette phrase d'une voix douce et attendrissante tout en me caressant la joue. Je l'avais laissé faire comme au bon vieux temps. J'étais déconcertée. Il le voyait et il en jouait. Une petite voix au fond de moi essayait de se faire attendre :

« Après tout ce temps Emma, tu ne peux pas le laisser faire ça ! Il se sert de toi ! Tu n'es pas un mouchoir, tu ne vois pas qu'il se sert de toi et dès qu'il trouvera mieux, il te jettera comme une merde ! ». Merci la petite voix ...

« Tu ne dis rien ? Tu savoures le moment, pas vrai ? »

Faux.

Il avait toujours eu l'habitude de cerner mes pensées mais cette fois - ci il se trompait royalement.

« Tu n'es plus avec ta blonde ? »

Ce pique venait de sortir avant même que je réfléchisse à formuler plus subtilement mes propos. Trop tard. Son sourire s'était transformé en une moue boudeuse. Et merde. Je n'aurai jamais dû. Il sait que je ne le suis plus sur les réseaux. Il va deviner que je l'ai stalké. Je suis conne putain ! La petite voix au fond de moi surenchérit :

« Tu t'y prends comme un pied. Il va voir que c'est déjà du acquis et que tu l'aimes encore. Emma, fuis tant qu'il en est encore temps ! »

Il finit par esquiver ma question :

« Je ne voulais pas te faire de mal l'autre jour tu sais. »

« Quand tu m'as quitté ou quand tu es apparu au Starbucks ? »

Je me remémorais sa force quand il s'était saisi de mon bras au Starbucks sous les yeux menaçants de Nathan. 

« Les deux, je m'en veux. »

Il semblait sincère. Mais comment le croire ? Il n'avait pas voulu se battre pour notre relation et il réapparaissait tel le Messi après plusieurs mois. J'avais l'impression qu'à chaque fois que j'essayais de guérir de cette énorme plaie qu'il avait fait dans mon coeur, son apparition ne faisait qu'arracher le pansement qui recouvrait mon organe.

Je n'osais pas le regarder dans les yeux. Il avait beau être mon ex, il m'intimidait toujours autant. Ses yeux me troublaient dès qu'ils cherchaient les miens.

« Emma, je t'aime. »

Il venait de lâcher une bombe. Je n'avais pas eu le temps de réfléchir à ma réponse qu'il m'avait saisi le visage.

Sa langue rencontra la mienne pendant de longues minutes. A la fin de ce baiser, j'étais encore plus perdue que je ne l'étais au début de ce café.