Lorsque je recommençais à marcher, je faisais tout mon possible pour me débrouiller avec une seule béquille au lieu deux, malgré le fait que je n'étais pas censée me presser et la douleur qui était bien présente lorsque je forçais trop. Quand on me reprenait, je faisais passer ça pour une forte envie de retrouver mon autonomie, et je faisais semblant de ralentir la cadence en reprenant mes deux béquilles et en avançant plus lentement. En vérité, ce que je cherchais à faire, c'était de me débrouiller le plus vite possible pour arriver à marcher convenablement. Si je quittais la maison, je devrais sauter mes leçons de rééducation. D'après ce que j'avais cru comprendre, le coup de masse avait créé de sévères dommages sur ma cuisse, mais aussi d'autres, moins importants, sur les articulations de ma hanche et de mon genoux. J'avais, parait-il, eu de la chance. J'avais failli perdre une jambe.
Nous étions fin novembre, cela faisait environ un mois que j'étais à l'hôpital et j'allais enfin sortir. Enfin,
Dès que j'étais dans ma chambre, j'enregistrais, à l'aide de la peluche, toutes les informations que Kassian et moi passions notre temps à chercher sur internet. Nous avions lancé plusieurs avis sur différents blogs relatant notre expérience et donnant des descriptions de nos agresseurs. Il s'agissait désormais de trier les témoignages qui semblaient valables des trolls. Quand nous pourrions, c'est-à-dire quand je pourrais à peu près marcher convenablement, nous pourrions vérifier la véracité de ces propos plus directement.
Mes parents et Anaïs ne semblaient pas se rendre compte de ce que nous avions en tête. À leurs yeux, je paraissais certes, plus triste, mais c'était normal. J'espérais qu'ils ne verraient jamais cette nouvelle détermination qui m'animait, que ce soit dans mes gestes, dans mon regard ou dans mes paroles.
Cependant, malgré ma décision et ma détermination, il y avait une chose que je devais absolument faire, malgré le risque qu'elle impliquait. Je voulais revoir Hazel et lui parler de mes projets, quittes à ce qu'il cherche à m'en empêcher. Je voulais au moins qu'il soit au courant, lui annoncer de vive voix. Je m'en serais voulue si j'avais fait autrement. Et malheureusement, je ne pouvais pas faire pareil avec mes parents.
-Célestia, puis-je te poser une question, me demanda Kassian en sortant de ses réflexions ?
-Quoi donc ?
-Comment aurais-tu fait si je n'avais pas été là pour t'en sortir dans ton projet ?
Je restais silencieuse pendant quelques secondes avant de répondre :
-J'aurais attendu ma majorité et débloqué l'argent qui se trouve sur mon compte, normalement dédié à mes études, histoire d'avoir au moins de quoi me débrouiller. J'aurais probablement essayé de me trouver un petit boulot, ou quelque chose comme ça. Ensuite... Et bien, mes recherches auraient été plus compliquées que prévu, bien sûr. Sans aide d'une tiers personne, tout est plus compliqué, mais je n'aurais pas abandonné. De toutes façons, je ne serais satisfaite que lorsque justice sera faite.
-Dans ce cas, pourquoi ne pas laisser la police faire ?
-Parce que j'ai le pressentiment que ces types n'en sont pas à leur coup d'essai. Des amateurs n'auraient pas réussi à tuer autant de personne sur une aussi courte plage horaire. Il faut du talent pour tuer. S'ils en avaient été à leur coup d'essai, ils auraient été incapables de tout faire de façon aussi méthodique. D'après ce que vous m'avez dit, la grande majorité du quartier n'a pas survécu. J'en ai donc déduis que c'étaient des habitués et que, par conséquent, ils avaient déjà probablement tué. S'ils sont encore en activité, c'est que la police n'a rien pu faire. Ça répond à votre question ?
-Oui, répondit Kassian avec une expression étrange.
J'avais l'impression qu'il doutait de moi, ce qui expliquerait cette "expression étrange". Cela m'énervait. Je lui demandais :
-Pourquoi ? Vous pensiez qu'il y avait une autre raison ?-Non, je me contente de constater ton état d'esprit.
-Et quelles sont tes pensées ?
-C'est plutôt alarmant. Je comprends que tu veuilles te venger, j'ai d'ailleurs dit que je t'y aiderais, mais s'il te plait, ne la laisse pas t'aveugler.
Je ne dis rien, ne cherchant même pas à méditer sur ses propos. SI je pensais à autre chose, je perdrais ma motivation. L'idée de venger Asphodèle ne devait pas quitter mon esprit. Il était mort à cause de moi, même si cela ne le ramenait pas à la vie, je le ferai. Pour lui. Pour sa mémoire.
Quand je suis sortie, j'ai affiché un visage heureux envers mes parents, et je prétendais être heureuse de retourner à la maison. Malheureusement, dès que je me suis retrouvé face à la bâtisse, j'ai senti mes entrailles se serrer et une envie de vomir prit place alors que je me remémorais la façon dont nous avions quitté l'endroit en précipitation, Asphodèle, Hazel, Cthulhu et moi.
Le chien était là, lui aussi, visiblement rescapé de cette affreuse nuit. Il m'a accueilli avec joie, mais également avec la brutalité qui caractérise les chiens de son espèce. Même si je me suis fait mal à la jambe en tombant, je lui rendis sa joie au mieux, même si la mienne n'était qu'à moitié sincère.
Lorsque je suis retournée à la maison, je me suis enfermée dans ma chambre directement, sans passer par les autres pièces de la maison. Cette pièce, qui était pourtant à moi, un endroit où j'étais censée me sentir bien et à ma place, me semblait subitement dangereuse et étrangère. L'idée d'y passer un instant supplémentaire me semblait insupportable, je me sentais comme un lion en cage, attendant d'être tué.
Je me suis dépêchée au mieux de préparer mes affaires. J'ai pris des vêtements, mon violon, mon ordinateur, de quoi créer de nouveaux objets qui pourraient constituer des armes utiles et ne résistais pas à prendre également quelques livres, qui étaient pour moi source de réconfort. Je cachais le tout sous mon lit et attendis la nuit en rédigeant une lettre pour mes parents. Je m'y suis reprise à plusieurs fois, cherchant les mots justes, les bonnes formulations, tachant d'être claire sans être brusque, mais l'exercice se révéla plus ardu que ce que j'imaginais.
Après le diner, je me suis mise à douter, à hésiter. En effet, j'y avais vu Hazel, et il me paraissait changé par rapport à la fois où il m'avait rendu visite à l'hôpital. Il était tendu, tremblotait et sursautait au moindre bruit. J'avais l'impression que ses cheveux étaient plus clairs, et mes parents passaient leur temps à s'inquiéter pour lui, s'occuper de lui, vérifier que tout allait bien. Depuis, je pensais à mes parents, je pensais à mon petit frère, tandis que mes yeux restaient fixés sur mon réveil. Je n'avais pas l'impression qu'ils aient besoin de moi, je les gênerais plus qu'autre chose, néanmoins, d'un autre côté, je me sentais à ma place auprès d'eux. Je tentais de faire disparaitre ces doutes en me divertissant, mais cela ne changeait rien.
Je regardais de nouveau l'heure, me levais, et me rendais en silence dans la chambre d'Hazel. J'ai frappé à la porte doucement, et quand je demandais à entrer, une voix faible me répondit. La chambre était éteinte lorsque je suis rentrée, je devinais qu'il était assis sur son lit, alors je l'ai rejoint en faisant le moins de bruit possible. Lorsque je me suis assise à côté de lui, je le sentais trembler, même s'il n'était pas directement en contact avec moi.
-Hazel, je...
J'hésitais. Était-ce vraiment la bonne formulation ? Je toussotais et repris :
-Il y a quelque chose que j'aimerais faire, sans que les parents ne soient au courant. Je... je vais partir... cette nuit...
Il y eut un instant de silence très inconfortable, finalement rompu par la faible voix de mon frère :
-Et tu rentres quand... ?
-Je ne sais pas, ça dépendra du temps que je mettrais pour réussir ce que je veux faire. Probablement longtemps.
Le silence revint, lourd, étouffant, tandis que j'attendais avec inquiétude la réaction de mon frère dans la pénombre. Finalement, il reprit la parole d'une voix tremblante :
-Je... Je veux... venir avec toi...
J'ouvris des yeux ronds en dévisageant mon frère, abasourdie.
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Tout ira bien... (Fanfiction Creepypastas)
Fanfic-On va devoir se serrer les coudes, les garçons, question de vie ou de mort. Ce qui signifie que le premier qui engueule l'autre parce qu'il ne fait pas ce qu'il veut risque de s'en prendre une sans sommation, c'est compris ? -Compte sur moi, sourit...