Charli.3

2 0 0
                                    

Il pose son regard sur la cour grise, il s'avance malgré lui de quelques pas puis, se retourne et sors à nouveau.

Pour se retrouver devant un enterrement d'été.

Il ferme les yeux, mais quand il les ouvre il est de retour dans la grande cour grise parsemée de platanes.

Alors il comprend, il comprend mais il ne veut admettre, alors il continue à fuir, comme il l'a fait toute sa vie, comme il espérais de ne plus jamais le faire après sa rencontre avec lui.

Cimetière d'été.

Cour grise.

Cimetière.

Cour.

Et cela pendant longtemps, très longtemps, des heures, des mois, peut-être même des années avant qu'il ne se décide à entrer dans les couloirs sombres de l'école.

Il croise Zakariah, celui-ci ne semble pas le voir, il rigole d'une petite blague qu'il a faite à un camarade de classe.

Le jeune homme presse le pas, il sait ce que signifie une "petite blague" pour ce garçon et il se souvient encore très bien de quel genre était celle-ci, et, même s'il a compris qu'il ne pourras rien changer de ce qui va arriver, il se décide à enfin ne plus fuir, mais regarder, ne serait-ce qu'admettre ces atrocités, que de faire ce qui aurait pu tout changer. 

Il monte les grands escaliers qu'il a tant parcouru à ses côtés en soufflant, riant, soupirant, passant de bon moments, jusqu'aux dortoirs de l'internat.

Là, il s'arrête devant une porte avec dessus, une numéro gravé qu'il connaît bien, c'est celui de la chambre qu'il partageait autrefois avec cette personne, il sait ce qu'il va découvrir, mais cette fois il ne détournera pas le regard, ne s'enfuira pas, ne niera pas et dira enfin clairement : "C'est parce que je n'ai rien fait", il entre dans la pièce, il voit d'abord les cahiers trempés à terre, puis les insultes écrites sur son bureau, au feutre indélébile, finalement, il voit la dernière petite blague de Zakariah Frank : La corde où étaient écrites toutes sortes d'injonctions au suicide est désormais autour de son cou, le cou du meilleur ami  de Charli. Qui n'aurait pas fait cela si Charli l'avait soutenu, s'il n'avait pas fait semblant de ne rien voir alors qu'ils partageaient la même chambre, s'il n'avait pas fui...

Alors le jeune homme regarde, il regarde ces traces de harcèlement qu'il n'avait jamais voulu voir, il regarde le corps de son ami, qu'il n'a pas plus regardé que le reste.

Il sait ce qu'il lui reste à faire.

Il décide de se rendre au 6 juin, et il s'y rend, il rentre rapidement chez lui, s'habille de sa chemise la plus colorée, et, même s'il est trop tard, même si personne ne peut le voir, il se rend à l'enterrement et observer les personnes en pleurs devant le cercueil, observe tous ces visages, observe enfin le corps, le cadavre de celui qu'il aurait pu sauver s'il n'avait pas détourné le regard, s'il n'avait pas fui...

Maintenant, il peut aller de l'avant car il a su regarder ses faiblesses.

Alors un portail de lumière s'ouvre, et c'est sans hésiter qu'il le traverse.

Face à leurs doutesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant