Une cour d'école, de lycée.
Une cour grise sous un ciel gris parsemé de nuages, gris.
Une grande cour avec des platanes au milieu, des casier sur les côtés, et un mur masquant l'entrée des toilettes.
Une des portes menant aux latrines s'ouvre pour laisser dans le vestibule humide, un étudiant sombre mais à l'air gentil.
Sur les murs du sas sont gravées les usuelles insultes, les dessins obscènes, les numéros de téléphone, les amours d'une heure. C'est cette vision de ce mur qui fait comprendre au jeune homme désorienté où il se trouve, et aussitôt, il sort en courant des toilettes pour (re)découvrir la cour grise de son ancien lycée. Étrangement, rien n'a changé, les arbres sont encore là, les casiers du fond pas encore démolis; des bruits, des rumeurs courent à travers les couloirs sombres.
Soudain, devant l'étudiant, apparaît un élève, brillant en cours, sociable au plus haut point, Zakariah Frank.
Des questions se succèdent alors dans les pensées de l'étudiant. Que fait-il ici ? Pourquoi est-il si jeune ? Comment peut-il encore rire ? Puis, quand enfin il comprend, alors se superposent sur son visage une palette d'émotions :
Dégoût, Colère, Tristesse, Honte, Peur, Honte, Peur.
Maintenant il sait, il sait ce qui l'attend et ne veut pas y assister, alors il fuit, il se détourne du masque rayonnant qu'affiche l'idole du lycée, il se détourne de cette cour grise vieille de 2 ans et il court, il court hors de la cours, il s'enfuit lâchement. Il passe les grilles du bahut et se retrouve sur une colline, il fait beau temps, le ciel est dégagé, à ses pieds les pierres tombales scintillent et sont colorées par mille et unes fleurs.
Cette fois, il sait tout de suite où il se trouve, car c'est un endroit où il n'est jamais allé, le "lui" d'avant était en train de regarder le ciel bleu depuis la fenêtre de sa chambre, le "lui" qu'il aurait voulu être aurais dû se trouver à la même place que le "lui" de maintenant, sur cette colline le 6 juin, habillé d'une couleur vive car c'est ce qu'il lui avait demandé à leur rencontre. Au lieu de ça, le "lui" d'avant n'était venu que le lendemain, s'excusant de sa lâcheté sur une tombe fraîchement retournée.
Sur la tombe fraîchement retournée de celui que l'on enterrait en ce 6 juin, de celui dont il avait causé la mort, "je n'ai rien fait" c'est ce qu'il aurait aimé pouvoir dire l'étudiant sombre qui observe cette scène d'adieux déchirants, mais il ne pouvait le dire car c'était bien là le problème.
L'étudiant le sait et c'est pour cela qu'il détourne encore une fois le regard.
Pour le poser sur une cour grise jonchée de platanes.
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Face à leurs doutes
Fiksi UmumTrois histoires simultanées qui n'en forment qu'une. C'est l'histoire de l'adolescence, des doutes, des peurs. Mais c'est aussi l'histoire d'une vie, de leur vie.