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Je suis en train de fulminer. Je ne veux pas retourner à l'hôpital. Je veux juste vivre. Vivre vraiment. Sans médecins, psychologues, sans peur, sans regards inquiets et préoccupés.

Mon corps bronzé est posé sur un brencard, autour duquel, des infirmières commencent à s'affoler. Le pire, c'est que c'est de ma faute.

C'était un accident. Je souffre d'un cancer des poumons, depuis tout petit. Je le sais, comme je le sens. Cet étau qui se ressère sur ma poitrine à chaque fois que je suis heureux, chaque fois que je ris, que j'esquisse un sourire. Cette douleur est insupportable. Alors, je me suis interdit d'être heureux. Je ne souris plus. Je ne vis plus. Je survis.

Je refuse d'hurler parce que j'ai mal. Je me contente simplement de poser ma main contre le haut de mon torse et de crisper la mâchoire.

Ma mère me fusille du regard. Elle sait que je n'aurais pas dû. Je détourne le regard, alors qu'on me fait descendre du camion d'urgence.

Il pleut encore. Foutue pluie. Des gouttes s'écrasent sur mon visage. Il y a bien longtemps que je m'étais interdit de pleurer. Mais aujourd'hui, je ne cherche plus à différencier la pluie de mes larmes. Mes paupières se ferment d'elles-mêmes, alors que je souffre en silence. Cette vie est courte, injuste, et douloureuse. Cette vie est difficile.

Ma gorge s'est nouée. Je m'en veux. Je ne me le pardonnerais jamais. Même s'il se rétablit.

Je franchis les portes d'un hôpital. Encore. Ça sent le renfermé.

J'entends des voix. Des voix qui disent qu'il va falloir m'opérer rapidement. Non.

On m'essuie le visage. On me murmure que tout va bien se passer. On me murmure qu'on m'aime.

Puis on m'emmène dans une salle d'opération. Je ne sais même pas où ils vont m'ouvrir. Où suis-je blessé ? Je ne ressens pas d'autre douleur qu'à la poitrine. Ils posent un tissu bleu sur mon corps.

- Non, j'arrive à murmurer faiblement.

Un jeune médecin s'approche de moi. Sans doute un interne. Il est beau, avec son masque, recouvrant la moitié de son visage. Il le baisse. Ses lèvres sont tentantes. Elles s'étirent de chaque côté, et laissent apparaître un beau sourire.

- Ne t'inquiète pas. Je veillerais sur toi. Tu es entre de bonnes mains. Je vais t'endormir, tu es prêt ?

Je ne réponds pas, et tourne la tête. C'est l'anésthésiste, ce bel asiatique.

Je m'endors rapidement, et ne rêve pas. Parce que je ne rêve jamais. Je cauchemarde. Chaque nuit, c'est la même chose.

Je sais que c'est un sommeil forcé. Alors, je ne réfléchis pas, et pense à ce qui adviendra quand je serais soigné. Que me prépare l'avenir ? Ira-t-il mieux ? Je n'en suis pas certain. Mourra-t-il ? C'est possible. Le regretterais-je ? Oui, sans aucun doute.

Je le revois s'effondrer avec moi. Parce qu'il pleuvait. Cette pluie semblait devenir incessante. Je le revois glisser, trébucher, déraper, ma tête se rapprocher du sol trempé. J'ai ruiné ma seule raison de vivre. Parce que je sais qu'il va mourir. Ce serait stupide de ma part de penser qu'il va vivre. D'espérer. Je ne veux pas qu'il souffre. Il me manque. Je n'envisage même pas une vie sans lui.

Mon champion. Mon poulain. Le poulain que j'ai vu grandir. Mon cheval. Le cheval puissant qu'il était devenu. Un dieu. Au charme ravageur.

Tué. Mort. À cause de moi. À cause de ce stupide orage. De cette foutue pluie.

Galoper dans cette carrière, sauter des obstacles, alors que le sable était gorgé d'eau.

J'hurle à m'en déchirer les poumons. Notre histoire avait peut-être été écrite, après tout. Peut-être que c'était un coup du destin.

- Hunt !

Quelque chose cri mon nom. Est-ce le destin qui me dit que son sort est annulé ? Impossible.

- Hunt ! Réveillez-vous !

J'ouvre les yeux brusquement, m'attendant à me retrouver trempé jusqu'aux os. Au lieu de ça, je suis simplement cloué dans un lit d'hôpital, des seringues plantées dans mon bras, l'anéstesiste toujours à mes côtés, qui me sourit.

- L'opération s'est bien déroulée. Vous êtes en salle de réveil...

Je passe une main sur mon front, la sueur collant sur ma paume. Je pose mes yeux sur ma jambe droite, recouverte d'un plâtre parfaitement blanc.

- Je vous emmène dans votre chambre, tout de suite.

Il fait rouler mon lit jusqu'à cette chambre. Quand il ouvre la porte, un lit est déjà installé, un jeune homme et son carnet y trônent. Il ne me lance même pas un regard, alors je décide de lâcher vaguement un "salut".

Aucune réaction. Il ne lève même pas la tête.

- Pourquoi ne me répond-il pas ? demandai-je à l'anéstésiste, hésitant.

Il fuit mon regard, et perd son sourire, quand je lui pose cette question.

- Fais attention à lui. Il s'appelle Jevi et est muet.

Paralysés /BXBOù les histoires vivent. Découvrez maintenant