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Jevi est comme un cheval : il préferera s'enfuir devant un danger plutôt que de l'affronter. C'est exactement ce qu'il fait avec moi. Il me fuit, et ce, depuis deux longs jours. Chaque fois que mes yeux croise les siens, il détourne le regard. Chaque fois que je lui parle, il ne me répond pas. Chaque fois que je le touche, il recule et s'enfuit. Alors j'ai décidé de lui laisser faire le premier pas. D'attendre qu'il revienne de lui-même vers moi. Et j'ai eu raison.

Alors que j'entre dans notre chambre, Jevi relève soudain la tête vers moi, et murmure mon prénom. Je manque de trébucher sur la tonne de vêtements au pied de son lit. Ça fait deux jours qu'il ne me calcule pas. Comment peut-il croire que je vais automatiquement revenir vers lui ?

Mais quand je vois ses yeux rouges, et la douleur qui orne son visage, c'est plus fort que moi. Je m'asseois au bout de son lit, dos à lui, de façon à ce qu'il ne me voit pas. Je ne veux pas le regarder. J'attends qu'il parle, ce qu'il ne tarde pas à faire.

- Pourquoi tu leur as dit ? me demande-t-il, entre deux sanglots.

Je veux lui retourner cette même question, mais les mots restent coincés dans ma gorge. Je ferme les yeux, ravale mes larmes, et réponds tout simplement :

- Parce que Kim m'a montré un objet qui m'appartenait. Parce que ce serait toi qui lui aurait donné. Parce que j'étais en colère. Je n'a pas pu retenir mes mots. Je suis désolé.

Je l'entends soupirer dans mon dos, avant qu'il ne change de sujet, en lançant :

- J'ai... de plus en plus mal à la tête, Zio. Les médecins m'ont dit que c'était ma tumeur. Ils ont refusé de me dire combien de temps il me restait à vivre. Je sais qu'ils le savent.

Je fais brusquement volte-face.

- Vraiment ? je lâche.

Il hôche la tête, avant de comprendre très rapidement le sens de ma phrase.

- Dis-le moi, s'il te plaît, Zio... me supplie-t-il.

Ce n'est que maintenant que je comprends pourquoi les médecins refusent de le dire aux patients. Parce que c'est terrible à avouer.

- Jevi, je... ils ne me l'ont pas dit non plus. Et ce n'est pas à moi de te le dire, j'esquive.

- Comment le sais-tu pour moi ? demande-t-il calmement, tu as encore forcé sur les nerfs de Kim ? rigole-t-il doucement.

J'esquisse un sourire et viens m'asseoir à côté de lui.

- Oui, c'est lui qui me l'a dit, je souffle.

Il ne me répond pas, et je devine facilement ce qu'il attend. Je lève mon regard vers le sien, et prie pour que je ne prononce jamais cette date devant lui. Ses yeux sont voilés d'un masque de souffrance, ne me demandant qu'une seule chose, que je ne lui dirais pas. Jamais.

- Zio, s'il te plaît... je dois sav-

J'écrase maladroitement mes lèvres sur les siennes. Parce que je ne peux pas lui avouer. Mes mains glissent sur ses hanches, alors que je l'attire contre moi, juste avant que notre baiser s'intensifie. Puis je me détache. Ses yeux sont encore recouverts de ses mèches noires. Je les repousse doucement. Il me sourit et entrelace ses doigts aux miens. Et je craque. Je craque devant son visage d'ange, ses cheveux bruns, et ses prunelles noyées de tristesse.

- Une semaine, je lâche, avant d'éclater en sanglots à sa place.

Je pleure et je ne m'arrête plus. Parce que merde, Jevi m'avait redonné une raison de vivre. Et que je vais le perdre, alors que je viens à peine de le rencontrer. Je pleure tout contre lui.

Il me serre dans ses bras, et passe lentement ses doigts sous l'ourlet de mon sweat qui m'arrive à la mi-cuisse. J'ai énormément de mal à calmer ma respiration devenue saccadée, mais j'y arrive, alors que Jevi me caresse doucement l'abdomen.

Il soulève mon sweat et se fige de stupeur. L'espace d'un instant, je me demande ce qu'il lui arrive -puis je me rappelle. Qu'il n'a jamais vu le tatouage que je me suis fait sans mettre personne au courant.

Il l'effleure et des frissons me parcourent. Sa main et son mouvement sont terriblement doux. J'ai vraiment envie de m'abandonner à ses caresses... mais quelque chose dont je ne saurais dire l'origine me retient. Je ferme les yeux, laissant un soupir d'aise franchir mes lèvres, alors que sa main remonte lentement, faisant passer mon sweat par-dessus ma tête.

- Jevi, je tente de le stopper.

Son souffle s'accélère dans mon oreille, alors que son tee-shirt atterit au sol. Puis il s'arrête, penché sur mon corps, juste au-dessus de moi.

- Ton tatouage est magnifique, murmure-t-il en souriant, mais j'arrive tout de même à voir ses larmes perler dans ses cils.

Mon pouce caresse lentement sa joue, essuyant au passage ses larmes. Il se laisse tomber d'un coup contre moi, alors que ses sanglots le dévorent de l'intérieur. Je sais qu'il ne veut pas pleurer devant moi. Qu'il veut se sentir fort. Je connais cette sensation. Alors je le serre contre moi, essayant de ne pas craquer, et je lui caresse les cheveux.

- J'aurais dû... mourir avec eux, chuchote-t-il, une fois calmé, je n'aurais jamais dû... continuer de vivre, juste pour deux semaines de plus... qu'eux.

Les larmes me montent aux yeux, mais je les refoule d'un battement de cils, avant de dire d'une voix posée :

- Ne regrette jamais de vivre, tu n-

- Arrête, Zio. Je sais que tu penses la même chose que moi, avec Phœnix, me coupe-t-il.

Je le repousse, me lève du lit, et le regarde tristement.

- Le pire, c'est que tu as raison, je lance, tentant de cacher mes tremblements.

Il baisse la tête, s'approche de moi, et ancre ses yeux dans les miens.

- Je crois que je t'aime, lâche-t-il, soudainement.

Mes yeux s'agrandissent sous le choc, mais il ne me laisse pas le temps de répliquer, et écrase sauvagement ses lèvres sur les miennes, avant de les retirer tout aussi rapidement.

Je me fige de peur quand j'entends un raclement de gorge. Le regard de Jevi se remplit d'effroi. Je me retourne lentement. Je me mords la lèvre quand je vois que c'est Kim. Qui a absolument tout vu.

Paralysés /BXBOù les histoires vivent. Découvrez maintenant