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Je suis réveillé par la lumière de la lune. Je m'assois sur mon lit en soufflant. J'entends la respiration paisible de Jevi, dans son lit, quelques mètres plus loin. Puis je me rappelle.

Je me lève, m'assois devant la fenêtre, admirant Paris et sa belle Tour Eiffel. J'hésite à glisser mes écouteurs dans mes oreilles, mais je me dis que ce n'est pas raisonnable à cette heure-là, alors je ne le fais pas.

Je crois que je suis un peu stressé. C'est aujourd'hui que l'on m'enlève le plâtre, et bizarrement, je me rends compte que je suis bien à l'hôpital. Dehors, je n'ai plus personne : plus de parents, plus de cheval, plus d'amis...

La vérité me traverse de plein fouet. Ici, j'ai Jevi, Kim, et ma sœur... est-elle vraiment ma sœur, ou simplement ma demie-sœur ?

Je secoue la tête, refoule mes larmes comme je sais très bien le faire. J'entoure mes jambes -les deux- de mes bras, et pose mon menton sur mes genoux, attendant patiemment que le temps passe.

Ma respiration se fait saccadée, et je tente en vain de la ralentir, mais la douleur prend le dessus, et j'essaie d'étouffer les sanglots qui arrivent. Je cache mon visage dans mes genoux, laissant la souffrance, cette foutue émotion, me bouffer de l'intérieur.

Je ne relève pas la tête, quand Jevi passe un bras sur mes épaules. Il plonge son visage dans mon cou, et son autre main rejoint les miennes, sur mes jambes. Ma respiration revient à la normale. Je souffle un bon coup, avant de lever la tête, et Jevi m'imite. Nos regards se croisent.

Je ne lui en veux même pas qu'il m'ai menti. J'ai plus que besoin de lui, de son soutien, de sa présence. Puisque l'on est amis ? Je sais très bien, tout au fond de moi, que c'est profondément faux. Je sais ce qui va arriver. Ce qui est en train de se passer.

Nos visages se rapprochent doucement l'un de l'autre ; nos yeux fixent la même chose : nos lèvres.

Nos bouches s'effleurent doucement, puis sans aucune retenue. Sa main glisse dans ma nuque, les miennes s'agrippent à ses épaules.

La baiser prend fin, et nous nous regardons à travers l'obscurité, émerveillés, souriant comme des idiots. Son sourire est si magnifique, que je ne peux m'empêcher de poser une nouvelle fois mes lèvres sur les siennes.

Nous nous immobilisons, quand le reflet d'une lumière éclaire la pièce. Je me retourne en même temps que Jevi. Mon regard glisse vers la personne qui a allumée la lampe de chevet, nous prenant en flagrant délit. Kim. Je le vois soupirer, contenir sa colère.

- Qu'est-ce que vous faîtes, réveillés, à cette heure-là ?

J'hésite à lui raconter la vérité, puis je finis par décider de ne pas mentir.

- Je n'arrivais pas à dormir, et j'ai réveillé Jevi sans m'en rendre compte. Désolé, ça ne se reproduira pas, je dis en baissant la tête.

Il pousse de nouveau un soupir, exaspéré, puis nous regarde, s'attarde un peu plus sur Jevi, qui ne peut enlever la joie collée sur son visage.

- Recouchez-vous, les gars. Il vous reste à peine deux heures de sommeil. Zio, j'aurai à te parler tout-à-l'heure, dans mon bureau. Essayez de vous rendormir.

- Ok, je souffle, sachant très bien que je me ferais sermonner pour avoir embrassé Jevi devant lui.

Il sort de notre chambre. Jevi se lève, me prends la main, et je lui demande :

- Tu fais quoi ?

Il me tire vers mon lit, s'allonge dessus, et me murmure :

- Viens.

Sa voix me provoque des frissons, qui parcourent mon dos, pour remonter jusque dans ma nuque.

Je n'ose pas trop le toucher, il le remarque, et tire ma manche vers lui, en souriant. Je m'affale sur lui, et gêné, je m'empresse de quitter ce torse confortable, mais ses bras m'en empêchent, et je me retourne, le haut du corps en travers de son torse, qui se soulève au rythme de sa respiration calme. Une de ses mains se dépose sur mon bas-ventre, mais refuse de passer cette barrière, alors que l'autre joue avec mes cheveux. J'éteins la lumière.

- Tu peux me parler. Je sais que tu en meurs d'envie.

Je ris, gêné de plus belle.

- C'est juste... j'ai l'impression de te redécouvrir, depuis que tu parles, je murmure.

Il ne dit rien, ne sait pas quoi répondre, peut-être.

- Je ne t'ai pas tout dit, Zio, finit-il par se lancer.

Je tourne ma tête vers la sienne, cherchant son regard du mien, qu'il évite.

- En plus d'avoir perdu mon père et mon frère... les chirurgiens n'ont pas pu enlever quelques éclats de la balle qui ne m'était pas destinée. S'ils les avaient enlevés, j'aurais rejoint mon frère et mon père. Au lieu de ça, ils ont voulu me laisser vivre avec... une tumeur cérébrale, en secouant la tête, pour que ses mèches viennent cacher ses prunelles.

Ma vue se brouille soudainement. La question qui me brûle les lèvres, n'arrive pas à sortir, les mots restent bloqués dans ma gorge. Mes poumons ne respirent plus, ma respiration se stoppe, et je n'arrive pas à retenir mes larmes.

- Je... je tente.

- Ce n'est pas grave. Endors-toi avant que Kim ne revienne, dit-il dans un rire forcé.

Je ne sais pas quoi lui dire, alors c'est comme ça que nous trouvons le sommeil, chacun conscient de cette douleur qui nous compresse la poitrine.

C'est aussi dans cette position que Kim nous trouve, quatre heures plus tard, toujours endormis, alors que l'hôpital est entièrement réveillé.

J'avais également oublié qu'il voulait me voir, mais il me l'a bien rappelé. Je m'étais habillé en vitesse, laissant Jevi dormir un peu plus que moi, et j'avais foncé tant bien que mal avec ma jambe plâtrée, dans le bureau de Kim.

Ça doit bien faire quinze minutes qu'il me fait subir son interrogatoire inutile :

- Alors, comme ça... avec Jevi, vous êtes ensemble ? Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?

- Qu'est-ce que ça peut vous foutre ? Vous ne vous êtes pas gêné non plus pour ne pas me dire qu'il avait une tumeur ! je m'exclame.

Il baisse la tête, coupable, et je lui demande en soufflant, la tête baissée, refusant d'affronter son regard, sachant très bien qu'il n'y a pas de traitement :

- Il lui reste combien de temps ?

- Deux semaines, lâche-t-il, sèchement.

Paralysés /BXBOù les histoires vivent. Découvrez maintenant