Chapitre 6

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Point de vue Edlynn

Les invités se ruent hors de la chapelle pour féliciter les nouveaux mariés. Je suis la foule, emportée par leur vague d'excitation. La cérémonie fut simple, mais agréable, agrémentée par les nombreuses fleurs ponctuant la gaieté de l'événement. Armée de pétales de rose, j'attends que le jeune couple sorte, aussi heureuse qu'eux.

A peine Alaric met-il un pied dehors avec maman à ses côtés que les acclamations surgissent, suivies d'une horde de douceur fleurie. Dans sa magnifique robe de mariée simple, je peux deviner que ma mère est réellement amoureuse de son mari, qui ne cesse de la dévorer des yeux. Son costume à coupe droite lui sied merveilleusement bien, mettant en valeur sa carrure musclée et ses beaux yeux gris.

Leur union est parfaite, car leur couple coupe le souffle. Les cheveux blonds d'Alaric contrastent parfaitement avec la longue tresse châtaine de sa femme. Je me mets à penser qu'avoir un petit frère ou une petite sœur issu de leur mariage ne me dérangerait pas. Ils ont tous les deux un physique avantageux, l'une dotée d'un charme délicat et frêle, l'autre titulaire de traits saillants, mais charismatiques.

Les nombreux villageois venus font la queue pour les féliciter, dont Mademoiselle Eleanor, tenant la main de Sam, le fils du maire, lui-même présent, essayant tant bien que mal de cacher ses larmes. Le vieil André n'hésite pas à prendre Alaric dans ses bras, visiblement heureux que son seul employé se soit enfin calmé, et même la grincheuse Lucie, adepte de notre librairie, affiche un semblant de sourire.

Dans cette foule, un seul couple rivalise avec les jeunes mariés. Les Mercier Bennett, parents de Simon. Ils semblent être tout droit sortis d'un film d'Hollywood, habillés de leurs vêtements visiblement luxueux et de leur posture incroyablement rigide. Tante Margot, dans sa robe beige, cintrée d'une ceinture dorée à la taille, resplendit plus que jamais avec ses cheveux de blé aux reflets d'or, enfermés dans un élégant chignon bas, éblouit par de belles perles décorant ses oreilles, salut ma mère de sa bouche rouge parfaitement dessinée.

Oncle Scott, armé d'un smoking valant sûrement plus d'une centaine d'euros, félicite les stars du jour, contrastant violemment avec Alaric par son physique froid et autoritaire, à travers ses cheveux de jais (dont son fils a hérité), ses tempes grisonnantes et sa barbe parfaitement coupée, traversée par quelques nuances de gris.

"-Bonjour Oncle Scott, Tante Margot !

-Oh ! Ravie de te revoir Edlynn" Me répond la peintre de sa voix mélodieuse. Je n'ai droit qu'à un bref mouvement de tête de la part de l'homme d'affaires.

"-Comment te portes-tu ?

-Très bien merci ! Et vous ?

-Assez fatigués... Nous revenons du vernissage de mes derniers tableaux à Milan la semaine dernière. Nous nous sommes rué ici pour le mariage d'Isabelle, mais devons repartir ce soir pour assister à une réunion importante d'Empire à Paris demain matin.

-Vous êtes incroyablement occupés !" Je lui fais remarquer.

Les parents de Simon sont ridiculement fortunés grâce à leur travail respectif. Sa mère est une peintre de renommée mondiale et son père est à la tête d'Empire, l'entreprise familiale valant plus de chiffres que je ne pourrais jamais l'imaginer. De ce fait, ils voyagent constamment et passent très peu de temps avec leur unique enfant, visiblement habitué à ce style de vie effréné.

Il lui arrive de les accompagner lors de leurs déplacements, mais uniquement lorsque sa présence est requise. Le reste du temps, il reste à Roubongarde et mène un quotidien plus ou moins normal. Simon ne parle jamais de sa famille, ni de la vie qu'ils mènent, du moins, il ne la décrit que très vaguement et j'ai compris au fil du temps que ce n'est pas un sujet qu'il aime aborder.

Remarquant que je cherche leur fils des yeux, monsieur Bennett feint une toux.

"-Ce fainéant a dit que Joan avait urgemment besoin de lui, il est donc parti le rejoindre et a promis de venir à la réception de ce soir", déclare-t-il de son fort accent anglais.

"-Vraiment...? Eh bien, je suppose que si c'est Joan, ça doit vraiment être urgent.

-Je me fiche de qui que ce soit. Son devoir est d'être ici, non ailleurs" répond-il sévèrement.

Je me contente de lui sourire nerveusement et me retire aussi vite que possible, étouffée par son autorité pesante. Je préfère largement sa femme, toujours aussi gaie et chaleureuse. Je ne comprendrai jamais comment ils ont fait pour finir ensemble. Je rejoins rapidement maman, qui s'éloigne un peu de la foule.

Il est quatorze-heures et la chaleur n'a jamais été aussi étouffante. Je comprends son envie de vouloir s'abriter à l'ombre d'un arbre et de respirer à l'air libre.

"-Maman !" Je crie, excitée comme une puce. Son doux visage, légèrement maquillé est sublimé d'un sourire qui reste mon préféré.

"-Edlynn ma chérie ! Où étais-tu passée ?

-Dire bonjour aux parents de Simon.

-Ah, ils m'ont salué tout à l'heure. Toujours aussi charmants, surtout Scott..." Se moque-t-elle.

Je ne peux m'empêcher de rire. Ses yeux amandes, dont j'ai hérité, se posent sur moi et je m'empresse de lui offrir le plus doux des câlins.

"-Oh ma fille adorée, si tu savais comme je suis heureuse !

-Je ne connais pas beaucoup de gens qui soient tristes le jour de leur mariage.

-Quelle petite bavarde tu fais !" Me surprend Alaric, tandis qu'il me prend dans ses bras.

Je couine légèrement, prise de court et il éclate de rire, accompagné de ma mère dont il embrasse tendrement la joue.

"-Al, lâche-moi !

-Je ne pense pas non. J'ai les deux femmes de ma vie à mes côtés et tu voudrais que j'en laisse une partir ?"

Je roule des yeux et demande de l'aide à ma génitrice du regard, mais elle semble apprécier la situation. Traîtresse.

"-Ne sois pas si taquin avec elle mon amour, elle risque de bouder.

-Ah bon ? Tu comptes te fâcher contre moi le jour de mon propre mariage, petite princesse ?

-Je vous hais. Vraiment." Je leur dis d'une voix faussement sérieuse et nous rions de bon cœur ensemble.

"-Prenons une photo pour immortaliser tout ça !

-Non Al, je suis moche !

-Sottises ! Tu es la plus belle fille que je connaisse en cet endroit.

-Et moi alors ?

-Toi Isabelle, tu restes la plus envoûtante de toutes !

-Berk."

C'est dans cette bonne humeur que le photographe emprisonne cet instant dans une photo. Moi, les cheveux plus bouclés que jamais, dans une robe rose pâle et une couronne de fleurs, porter par Alaric, qui tient la taille de ma mère, toute aussi heureuse que nous le sommes, en ce bel après-midi d'été. Je voudrais que le reste de notre vie reste ainsi. J'espère qu'elle le sera.




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SmokeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant