Chapitre 21

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«Ne te brûle pas. » Me dit tante...Non. Me dit Margot en rangeant ses affaires.

La cuisine est le seul endroit où il reste encore quelques meubles. Les autres pièces sont vides, si ce n'est que quelques cartons s'empilent dans un coin. Tout a été rangé, nettoyé, vidé. Ce manoir, qui auparavant était rempli de domestiques discrets en train d'aller et venir, de tableaux dont je n'osais même pas imaginer le prix, est désormais silencieux, dénué de vie.

Je dois avoir l'air bien misérable dans la robe trop grande que Margot m'a prêté, les cheveux trempés par la douche qu'elle m'a obligé à prendre, essayant tant bien que mal de boire le chocolat chaud qu'elle m'a donné, avec des mains mal bandées. J'ignore le parfum de vanille que mes boucles, beaucoup plus définies que d'habitude, dégagent à cause du shampooing que j'ai emprunté.

Je me sens ridicule, humiliée et anéantie. J'ai tellement de questions à poser, mais je ne suis pas assez proche de la peintre pour lui demander tout ce que je voudrais savoir.

« Ton regard me dit que tu es curieuse de comprendre la situation, n'est-ce pas ? » Dit-elle à voix haute, finissant de ranger des pinceaux.

Je ne cache pas ma surprise, toujours aussi étonnée par sa perspicacité. Je ne réponds pas, trop timide ou bien bouleversée pour placer des mots sur ce que je ressens. Elle esquisse un léger sourire et s'approche du plan de travail où je me trouve, pour s'asseoir sur une des chaises longeant l'îlot central de la cuisine.

Vêtue d'une simple chemise blanche et d'un jean délavé, les pieds nus et les cheveux rassemblés par un crayon, je ne peux m'empêcher de penser à quel point Margot Mercier est l'une des femmes les plus belles que je n'ai jamais vu. Démaquillée, elle paraît beaucoup plus jeune.

« Je suis désolée pour ta mère... C'était une femme formidable. »

Je me contente de sourire légèrement, sentant des larmes picoter mes yeux. Je les cligne plusieurs fois pour éviter de me donner en spectacle devant elle. Je refuse de paraître encore plus pitoyable que maintenant.

« En ce qui concerne Simon, je ne m'attendais pas à ce qu'il parte sans rien te dire. Après tout, il avait fait toute une histoire pour revenir.

-Je ne suis pas étonnée. » Je murmure.

Elle ne relève pas mon commentaire et pose son visage dans la paume de sa main.

« Vous allez donc le rejoindre ?

-Qui ? Mon fils ? C'est la dernière personne qui voudrait me voir actuellement ! Je vais vivre à Paris. Roubongarde n'était qu'une résidence secondaire après tout. Il est temps de tourner la page.

-Donc... Vous avez décidé avec monsieur Bennett de laisser Simon vivre seul ? »

Son rire cristallin emplit la pièce, tandis que je me sens gênée d'être aussi ignorante, mais j'ai l'impression de rater un grand évènement.

« Absolument pas ! Il vit avec Scott à New-York depuis un moment.

-Je... Je ne suis pas sûre de comprendre.

-Quelle déception ! Je pensais que tu serais la première à qui il parlerait de tout ça. Très bien, tu le sauras à un moment donné de toute façon.

-Pardon ?

-Scott et moi avons divorcé. Ça va faire un an et demi que les procédures ont commencé. Tout sera rendu officiel dans quelques jours, le temps que chacun de nous s'installe.»

Je l'écoute sans réellement y croire. Je mon coeur s'envoler en miettes pour la énième fois. Alors c'est de cela qu'il voulait parler... Du divorce de ses parents. Je me sens soudainement ridicule. Il n'était pas là pour recoller les morceaux de notre amitié, mais pour me dire qu'il partait.

Il était venu me dire au revoir, mais au lieu d'attendre encore un peu, il a préféré s'en aller une bonne fois pour toute, sans se retourner. Je suis aussi insignifiante que cela pour lui. Tous les beaux mots et promesses étaient du vent. Le lien si fort que je pensais partager avec lui n'était qu'une illusion. J'étais la seule pour qui notre amitié était importante.

La mort de maman a dû être une aubaine pour lui. Il n'a pas eu à s'expliquer. Il n'a même pas daigné me laisser ses coordonnées. Très bien Simon. Le message est clair. J'ai compris.

C'est ce que je pense, mais pourtant, les larmes qui coulent sur mes joues ne sont pas un mensonge. Les sanglots qui me secouent ne sont que la preuve que celui que je prenais pour mon ami le plus proche m'a abandonné. Il a simplement pris la fuite en silence, sans penser à ce que je pouvais ressentir.

Pourquoi suis-je aussi déçue ? Simon a toujours été comme cela. Partir sans rien dire et revenir comme bon lui semble. Mais la raison pour laquelle je pouvais lui pardonner ses départs non annoncés était parce que je savais qu'il allait rentrer. Même si nous ne parlions pas, l'existence d'une chance pour se réconcilier était suffisante pour que je garde espoir.

Mais cette fois-ci, c'est différent. Il ne reviendra pas. Il a clairement fait comprendre qu'il en avait fini avec moi. Moi et mes hésitations éternelles. Moi et mon besoin qu'il me mette en priorité. Moi et mon stupide amour d'enfance dont je n'arrive pas à me débarrasser.

Margot me prend dans ses bras, faisant de son mieux pour me réconforter. Je n'entends pas ce qu'elle me dit, tant je suis malheureuse. Je me sens abandonnée de tous. La solitude et tristesse qui s'emparent de moi semblent alors insupportables.

Je ne sais pas si je pourrais m'en sortir.

917mots

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