2. Couvent (version éditée)

506 43 0
                                    


Après avoir quitté la colonne de renfort qui se dirigeait vers Cantorbéry, le détachement prit la direction du littoral. Maintenant qu'ils n'étaient plus ralentis par les lourds chariots d'approvisionnement et la piétaille, les hommes pouvaient pousser leurs destriers. Depuis près de trois heures qu'ils cheminaient au rythme lent du convoi, les chevaliers commençaient à ressentir une certaine lassitude. Aussi furent-ils bien aises de pouvoir lancer leur monture au galop et avancer plus vite vers leur destination. 

Moins de deux heures après, le petit groupe arriva en vue de Sainte-Wilmena. Les guerriers traversèrent le village et s'engagèrent sur la sente escarpée qui conduisait à la côte. L'édifice était perché en haut d'une falaise. Une grande palissade entourait le prieuré et ses dépendances. Ce rempart avait une double fonction : il permettait d'isoler la communauté des religieuses et il leur procurait une protection relative contre les bêtes sauvages et les maraudeurs. 

Gautier et son cousin descendirent de cheval et s'approchèrent de la lourde porte de bois bardée de fers qui défendait l'accès du couvent. Thibaud tira sur la corde qui pendait pour sonner la cloche. Au bout de quelques minutes, un bruissement se fit entendre de l'autre côté et le claquement sec du volet du judas résonna. À travers la grille, ils virent un visage rond obstruer l'ouverture. Une voix revêche à consonance féminine les apostropha : 

— Que voulez-vous, Normands ? 

— Bonjour, ma Sœur. Je voudrais parler à mère Ealswith, je vous prie, répondit Gautier. 

— Qui la demande ? 

Furieux de l'accueil discourtois de la nonne, Thibaud avança d'un pas et ordonna : 

— Dites-lui que le baron de Fougères requiert sa présence. 

En entendant le nom de son vis-à-vis, la sœur portière changea d'attitude immédiatement. 

— Ah, c'est vous qui avez amené la petite damoiselle, l'autre jour ? 

— C'est exact, ma Sœur, c'est moi. Pouvons-nous entrer en attendant la mère supérieure ? 

— Oui, messire, bien sûr ! Entrez donc dans la cour avec vos montures. Je vais avertir mère Ealswith de votre arrivée. 

La religieuse claqua le judas, puis ouvrit en grand les vantaux et attendit que les cavaliers pénètrent dans la cour. Aidée par deux soldats saxons, elle referma la porte, puis s'éloigna en trottinant vers l'entrée du bâtiment principal. Les hommes démontèrent et attachèrent les chevaux aux anneaux scellés dans le mur de l'écurie. 

Après quelques minutes d'attente, une femme en habit de moniale sortit du prieuré d'un pas altier, puis se dirigea vers Gautier. Celui-ci la salua brièvement avant d'énoncer le but de sa visite :

— Bonjour, Mère Ealswith. 

— Bonjour, messire Fougères. Quelle affaire vous amène céans de nouveau ? 

— Je viens prendre des nouvelles de damoiselle Sibylla d'Emerson. 

— La damoiselle va aussi bien que possible, compte tenu des circonstances. 

— A-t-elle repris des forces ? 

— Nous avons soigné son corps, mais son esprit est loin d'être guéri. 

— Que voulez-vous dire, ma Mère ? 

— Je veux dire, messire baron, que damoiselle Sibylla est traumatisée par ce qu'elle a vécu. Cette petite a été confrontée à la malchevance4 de vos compatriotes. 

Combat d'Amour - Tome 3 [Editions Ada juillet 2019 - autoédition 2023]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant