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Sacha Oblonski, c'est moi.
Ouais, je suis sorti de la classe. Je voulais pas en entendre d'avantage.
Oui, je suis allé pleurer recroquevillé dans les toilettes des garçons comme une chochotte.
Personne ne peut comprendre. Personne ne comprendra.
J'y suis resté jusqu'à ce que la cloche sonne. J'ai vite séché mes larmes et j'ai passé un peu d'eau sur mon visage pour essayer de camoufler le fait que j'ai pleuré, mais honnêtement, j'avais toujours une sale gueule.

— Hey Sacha !

Je me retourne et je vois Linda accourir derrière moi, sa queue de cheval blonde bougeant au rythme de ses pas.

— Hey... dit-elle plus tendrement en posant ses mains sur mes joues.

Je lui les retire doucement mais elle continue de me fixer de ses yeux bleus azur sans broncher.

— Sacha ! Mec !

Mes autres potes arrivèrent ; Mickael, Jake et Ilhan.

— T'as pleuré ? arrivait à chuchoter Linda avant que mes potes nous encerclent.
— Qu'est-ce qui t'est arrivé, mec ? commença Ilhan.
— T'es sorti brutalement de la classe, gros ! On a pas compris, enchaîna Mickael.
— C'est rien les gars.
— Tu veux dire que... la mort de cette fille t'a touché ? lança Jake.

"Cette fille"... mon sang commença à me monter au cerveau mais le regard de Linda toujours posé sur moi me calma.

— Pas vous ? dit-elle soudain.
— Bah perso, c'est toujours triste une mort, surtout un suicide, mais la meuf parlait à personne, elle restait toujours seule dans son coin avec ses écouteurs et son carnet, elle approchait personne donc voilà, j'ai aucune affection pour elle. Je suis juste désolée pour elle et sa famille, expliqua Jake.

Elle n'avait pas de famille...

— J'avoue, en plus, on ne sait même pas ce qu'elle écrivait dans son carnet, ajouta Mickael.
— Des chansons, des poèmes, des histoires, je sais pas, dit Linda.
— Ou alors c'était son journal intime, fis-je.
— Qui ramènerait son journal intime au lycée ? s'esclaffa Ilhan.
— Oui surtout que c'est secret et elle serait pas si idiote pour l'emmener avec elle au lycée. Quelqu'un de malveillant aurait pu lui voler son sac, tomber dessus et le lire, continua Linda.
— Oh bah vos trucs de filles, nous on y comprend rien, fit Ilhan en levant les yeux au ciel puis il rit accompagné de Mickael et Jake.
— C'est pas marrant les gars ! s'exclame Linda.
— Oh ça va c'est rien. On rigole pas de sa mort, renchérit Mickael. T'avais de l'affection pour elle toi ?
— Non mais elle n'était pas méchante. Toutes les filles de la classe ont déjà essayé de lui parler quelques fois comme ça, mes copines et moi aussi, et c'était une très gentille fille et très polie. On a mangé une fois avec elle, elle n'avait pas beaucoup de discussion mais elle répondait volontiers à nos questions même si c'était des réponses brèves et un peu vagues. En fait, elle était juste très timide et préférait rester seule, ça n'avait pas l'air de la déranger.
— Bah voilà pourquoi on a pas pu voir qu'elle était en dépression aussi, c'est pas de notre faute, lança Mickael.
— C'est pas non plus de la sienne ! m'exclamai-je, un peu trop fort peut-être car les garçons me regardèrent surpris.
— On a jamais dit ça, calme-toi frérot, qu'est-ce que t'as ? me demanda Jake.
— Rien, rien du tout. Laissez tomber.
— T'étais en kiffe sur elle ou quoi ? fit Ilhan avec un regard rempli de sous-entendus.
— Bon stop ! s'exclama Linda.

La cloche retentit, les garçons se dirigèrent vers notre prochaine salle de cours, suivis par Linda mais elle s'arrêta quand elle vit que j'étais resté immobile.

— Allez Sacha... C'est le dernier cours.

Je fis non de la tête et je me dirigeai vers la sortie du lycée avant que les surveillants ne ferment les portes.

J'avais perdu mon sang froid. En fait, la colère est montée en moi.
On vous annonce un suicide, allô ! Comment rester indifférent face à ça ?!
Les filles ont pu au moins l'approcher une fois et moi jamais ! J'ai jamais eu les couilles de le faire alors que je le voulais ! Elle m'attirait comme un aimant et je luttais comme un con alors que la gravité ça se contrôle pas... De quoi avais-je peur ?
Elle, elle avait peur ! Peur du lycée ? Peur des gens ? Peur du regard des autres ?
Si elle m'attirait comme ça c'est que c'était pour une raison, non ? C'était peut-être à moi de l'aider ? D'être son ange gardien ? Je me fais des films ? Non... je ne pense pas. Parfois, je la surprenais à me regarder aussi... on se regardait même intensément pendant plusieurs secondes quand on le voulait... Ou alors je deviens parano... Je sais pas. Je ne sais plus rien du tout...

Oui, la mort de Sahara Ebwana m'a boulversé.





À suivre
...

S A H A R A | Clair ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant