S A H A R A | Clair Obscur

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Quelques semaines plus tard, ils avaient annoncé la date des obsèques de Sahara sur le site internet du lycée. "Pour ceux et celles que ça intéresserait" avaient-ils mentionné. Je ne sais pas qui a rédigé ça mais quel culot ! Ça devrait tous nous intéresser ! Quelqu'un s'est buté parce que personne ne lui a porté de l'attention ! Enfin presque... Mais moi je m'en veux, car je fais parti de ces gens-là...

Aujourd'hui, c'est justement le jour de son enterrement et je vois que ça n'a pas intéressé beaucoup de monde. Il n'y a que Linda, ses trois copines et moi. Notre classe aurait quand même pu faire un effort je sais pas...

La cérémonie ne s'est pas passée dans une chapelle ou je ne sais quoi. Elle s'est passée dans la salle commune de son foyer, car oui, elle était placée dans un foyer et j'étais le seul à le savoir car un soir, je roulais dans la ville avec mon vélo et je l'ai vu rentré dans cet édifice avec quelques trucs à manger.
Non seulement elle ne parlait pas mais je pense qu'elle n'a pas parlé aux filles de ses conditions de vie car elles étaient surprises en entrant ici.

— Tu le savais toi ? chuchota Linda.

J'acquiesce en hochant la tête.

— Mais comment ?

Je ne lui réponds pas et c'est à ce moment que le directeur du foyer commença son discours.

— Sahara Ebwana s'est donnée la mort dans sa chambre du troisième étage dans la nuit du 11 au 12 septembre entre 23h et 00h. Le couché ici se fait à 22h voire à 22h30 pour ceux et celles qui ont le plus de mal à se coucher. Sahara en faisait parti. Ce soir là, elle n'était pas dans son assiette, plus qu'elle ne l'était déjà, m'a précisé une des éducatrices. Elle l'a quitté à 22h45 et nous pensons qu'elle a mis fin à ses jours dans l'heure qui a suivi car le lendemain nous l'avons retrouvé pendue au porte-manteau de sa chambre avec des scarifications au niveau des poignets, certaines plus récentes que d'autres selon les pompiers qu'on a tout de suite appelé après avoir découvert la scène du drame.

Mon cœur se retourna dans ma poitrine à l'entente de la façon dont elle s'est suicidée. C'est horrible. Qu'est-ce qui a bien pu la pousser à faire ça ?! Était-elle malheureuse ici ? Ils traitent bien les enfants dans les foyers ?

— Sahara vient de loin. Elle est née près du désert du Sahara d'où son prénom. Elle a ensuite été déposée à la porte d'un orphelinat dans son pays de naissance, le Niger. Une nigérienne d'origine, naturalisé française ne pouvait pas avoir d'enfant et n'avait pas de compagnon, elle se sentait seule donc elle a fait des démarches pour adopter un enfant de son pays. Sahara a eu cette bonne étoile qui l'a amené ici en France à l'âge de 3 ans. Malheureusement, sa maman d'adoption est décédée d'une maladie 10 ans plus tard donc Sahara nous a été orienté par les services sociaux, elle n'avait que 13 ans. Elle a toujours été cette enfant calme, silencieuse et timide. Elle préférait écrire dans ses carnets et écouter de la musique avec son portable et ses écouteurs. Elle ne se confiait pas beaucoup à ses camarades, aux éducateurs, ni même à la psychologue qui venait une à deux fois par semaine ici pour le suivi de ces adolescents. Voilà peut-être pourquoi nous n'avons pas pu anticiper cet acte grave qu'elle allait commettre. Qu'elle repose en paix.

Le cercueil de Sahara était blanc et déjà fermé avec une couronne de fleurs au-dessus.

D'autres personnes ont pris la parole, des personnes du foyer sûrement puisqu'il n'y avait qu'eux et des personnes de la mairie aussi dont le maire. Il a sûrement dû parler mais j'en sais rien, je m'en branle, je n'ai pas écouté... en fait, je crois être assez boulversé par l'histoire de Sahara...
Sahara putain pourquoi t'as fait ça ?! Sahara, explique-moi si tu m'entends !
Je me disais ça en fixant clairement le cercueil. J'espérais juste qu'il s'ouvre et qu'elle se lève vivante et rayonnante. J'irais la prendre dans mes bras et lui dirais qu'elle serait en sécurité maintenant avec moi, qu'elle ne serait plus jamais triste et qu'elle vivrait une vie heureuse à mes côtés à tout jamais.

J'étais tellement dans mes rêves que je n'avais pas senti le mouvement autour de moi. Les gens se levaient pour sortir et la main de Linda était sur la mienne. Elle me regardait d'un air compatissant, je lui rendis un petit sourire mais mon regard se détourna aussitôt sur le cercueil qui se faisait d'ailleurs emporter par les porteurs.

Le cercueil se fit installer dans le corbillard et les "invités" montèrent dans un car affrété par la mairie. Ça tombe bien, il restait de la place pour nous.
Le car suivit le corbillard jusqu'au cimetière.

Arrivés à destination, tout le monde descendit et se suivit jusqu'à l'endroit prévu pour enterrer Sahara.
Un aumônier fit un dernier discours pendant que le personnel funéraire déposa le cercueil dans la fosse creusée à cet effet à l'aide de sangles. Il fit ensuite un signe de croix sur le cercueil avec des rameaux remplis d'eau, bénite sans doute, puis ceux qui le souhaitaient, pouvaient prendre une rose blanche auprès de la personne qui les avait apporté et la jeter sur le cercueil de Sahara. C'est ce que je fis, précédé de Linda et ses copines. Certains habitants du foyer jetèrent aussi des petits mots avec.
Avant de jeter ma rose, j'ai marmonné une courte phrase puis j'ai embrassé la rose, une de mes larmes est d'ailleurs tombée au milieu de la fleur. Je me suis ensuite penché en avant pour jeter ma rose dans la fosse et une autre larme est tombée juste après sur le cercueil de Sahara.
Au moins, elle ira dans l'au-delà avec une réelle et pure partie de moi.

Je t'aime Sahara. Voilà la phrase que j'ai marmonné.

Qu'elle repose en paix.

À suivre
...