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De nuit, Jadielle était un petit bourg lugubre, où les trois seuls lampadaires allumés avaient des airs d'îlots de lumière dans un océan de ténèbres. Et sous l'un d'eux, comme une sirène échouée après une tempête, Lucie attendait patiemment, tenant à bout de bras une petite valise en tissu et son grand sac à dos de randonnée.

Essoufflé par sa course dans le noir, Constant dût s'arrêter à quelques mètres d'elle pour reprendre son souffle avant de lui parler. Il sentait déjà son cœur palpiter d'un rythme frénétique.

Lucie se tourna vers lui en le voyant arriver et lui sourit. C'était une jeune fille aux grands yeux verts et aux longs cheveux blonds noués en natte dans son dos, sous un grand chapeau de paille qu'elle devait changer après chaque expédition en zone volcanique. Elle portait un chemisier blanc et une veste de pluie bleue, avec un short de randonnée beige. C'était les vêtements qu'elle portait d'habitude lorsqu'elle partait en expédition à la recherche de météorites ou de pierres rares.

— Constant Phineas Uemura, vous êtes en retard ! le gronda-t-elle immédiatement en prenant un air boudeur.

— Pardon, désolé, je suis vraiment désolé, commença-t-il à s'excuser honteusement en s'inclinant plusieurs fois.

Elle se mit à rire et s'approcha pour prendre dans ses bras la Mimigal qu'il avait à l'épaule.

— Toi tu ne m'aurais pas fait attendre toute la soirée, hein Mimi' ?

La petite araignée ferma de plaisir les yeux tandis qu'elle lui grattait l'abdomen affectueusement.

— Désolé Lucie, je suis arrivé aujourd'hui et-

Elle rendit Mimigal à son dresseur et lui tendit aussi sa valise qui était bien plus lourde qu'il n'y paraissait. Il essaya de ne pas trop chanceler devant elle en la saisissant pour ne pas montrer qu'il n'avait pas l'habitude de porter autre chose que des livres.

— C'est oublié, Constant ! Mais je meurs de faim, et Chamallot a dû passer l'après-midi à combattre contre des gamins en short dans la Forêt de Jade, on aurait bien besoin d'un peu de repos. Chamallot ! Viens par ici ! On y va !

Une petite lueur apparut dans l'obscurité et le pokémon à la bosse surmontée d'un petit cratère de volcan s'avança en trottinant péniblement. Lucie le fit rentrer dans sa pokéball et prit la lampe torche des mains de Constant.

— Où est-ce que tu as trouvé cette antiquité ? Il y a l'électricité chez toi ou il faut s'éclairer avec des lampes à huile ? plaisanta-t-elle.

— C'est un peu vieux mais il y a l'électricité, je n'arrive pas à allumer la télé mais... (il remarqua qu'elle était en train de s'impatienter) je suis désolé si la vétusté te dérange, je- s'excusa timidement Constant.

— Moi ? Dérangée par la vétusté ? Tu oublies que j'ai fait l'université de Mérouville et que je suis géologue ! Même une tente sous la cendre du Mont Chimnée est un palace pour moi ! Aller, on y va !

Et elle partit en avant, guidant l'entomologiste au milieu de la nuit par sa jovialité et la lumière faiblissante de sa lampe torche.

Dès qu'elle arriva face à la vieille demeure des Uemura, elle fut totalement émerveillée par l'aspect rustique et champêtre de l'édifice. Il n'y avait que la cuisine qui était illuminée, et c'est à travers les ombres des fenêtres en papier de riz qu'elle découvrit la beauté traditionnelle de la maison.

Une douce effluve de miso et de légumes bouillis embaumait l'air humide de la nuit. Lucie se précipita directement dans la cuisine pour saluer Pifeuil et se servir un bol de soupe.

Constant dressa la table dans le salon et ils mangèrent tous les deux avec leurs pokémons en discutant de leurs dernières expéditions scientifiques à Hoenn. Le jeune homme abandonna progressivement sa timidité en parlant de ses recherches sur l'évolution des Insécateurs, et il écouta avec passion les dernières trouvailles de Lucie qui accompagnait Pierre d'Argenta dans ses recherches sur la composition minérale des Sélérocs et Solarocs du Site Météore.

Est-ce qu'elle se rendait seulement compte de la vitesse à laquelle elle parlait lorsqu'elle était intéressée, pensa-t-il un instant en étudiant les traits enfantins de son visage. Elle parlait de gens qu'il ne connaissait pas en les appelants par leur prénom, comme s'il connaissait forcément ces scientifiques qu'elle avait rencontré à Autequia lors de ses recherches, et pourtant ce n'était pas déplaisant.

Il avait l'impression que lorsqu'elle lui parlait d'un certain Hadrian Stern ou de son collègue Hoshi Inseki, elle lui racontait les aventures de membre de la famille éloignée. Oui, en l'écoutant parler, il avait l'impression chaleureuse et douce de retrouver une sœur après de longs voyages.

Ils avaient tous les deux hâte de se rendre au Plateau Indigo, et leur excitation anima peu à peu la vieille maison lugubre. Des éclats de rire d'humains et de pokémons chassèrent bientôt tous les souvenirs tristes qui habitaient les lieux. 

Chant des Vagues au Mont Braise [Poké-Month]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant