Chant des Vagues au Mont Braise [Poké-Month]

23

— Que... que dis-tu ? Je te dis que le projet a été abandonné ! (Il s'approcha nerveusement en voyant ce que le jeune Uemura était en train de lire) Tu... tu comprends ce calcul ?

L'entomologiste remonta ses lunettes sur son nez et saisit un crayon au coin de la table pour corriger un chiffre dans la formule.

— L'évolution d'Insécateur en Cizayox... murmura-t-il.

— Quoi ?

— La symbiose entre un pokémon et un corps étranger peut conduire à l'évolution de ce pokémon... C'est mon sujet de recherche depuis des mois, j'étudie comme des objets métalliques peuvent entrer en contact avec des Insécateur pour leur les transformer en types Acier... C'est ce que vous avez fait avec ce Mewtwo, n'est-ce pas ?

— Il lui manquait une chose essentielle pour un pokémon créé par l'Homme... Un peu d'humanité.

Constant tendit le doigt vers les fioles qui tournaient dans les centrifugeuses.

— C'est du sang humain, n'est-ce pas ?

— Des échantillons de moelle épinière et de tissus.

— C'est donc ça... La Team Rocket n'a jamais abandonné le projet Mewtwo ! Pourquoi m'avez-vous menti ?

— Pour te tenir hors de tout ça... Le pokémon que nous avons créé à déjà été testé en combat, nous savons de quoi il est capable mais... Il nous dépasse encore plus qu'avant. En plus de ses pouvoirs, il est maintenant doté d'une intelligence hors du commun. J'ai participé à ce projet du début à la fin et je sais que... La Team Rocket va détruire le monde avec ce pokémon.

— Et vous ne voulez pas qu'il en soit ainsi ?

— Non. Je ne l'ai jamais voulu. Après la prise d'otage de mon laboratoire à Cramois'île, j'ai détesté la Team Rocket. Quand j'ai été témoin du mal qu'ils ont fait à ta famille... je les ai détestés aussi.

— Mais vous les avez laissé faire. Pire, vous les avez aidés.

— J'ai vu tant de collègues mourir pour désobéissance. J'ai dû me plier à leurs règles, apprendre à jouer à leur jeu et j'ai... j'ai fini par m'y perdre, par me noyer dans leur quotidien, dans les listes de pokémons volés envoyés finir comme cobayes au laboratoire, rien n'a changé et pourtant... j'ai fini par ne plus voir les êtres vivants derrière ces mots faits d'encre sur des feuilles... Jusqu'à ce que je comprenne ce qui n'allait pas chez Mewtwo.

Constant esquissa un sourire mauvais. Il n'éprouvait aucune sorte de pitié pour cet homme. Qu'essayait-il de dire avec tout ça ? Il voulait se dédouaner de ses méfaits en expliquant que c'était le système qui l'avait englouti ? C'était un meurtrier qui s'était caché derrière la légitimité de son poste pour cautionner toutes les monstruosités. Rien de plus.

— Qu'est-ce qui n'allait pas ?

— Je pensais comme une machine, et c'est une machine que nous avions fait de ce clone de Mew. Il était instable car il lui manquait quelque chose que seule la Nature peut offrir aux êtres vivants : une âme. J'ai compris que c'était aussi ce que j'étais en train de perdre, à force de fonctionner comme le rouage d'un mécanisme inhumain. C'est comme ça que m'est venue l'idée d'offrir de l'ADN humain à Mewtwo. Mais...

Auguste se remit à gratter ses bandages frénétiquement.

— Vous ne vous êtes pas dit que s'il devenait plus humain, il commencerait à se poser des questions ? Des questions très humaines, comme le pourquoi de son existence et sa place dans ce monde ?

— C'est exactement le problème. Et sans parents aimant pour le guider et lui enseigner des valeurs morales... Il a grandi sans aucune empathie. Il n'a que faire des vies humaines ou pokémons...

— C'est parce qu'il se sent orphelin, déclara soudainement Constant, plus pour lui-même que pour son interlocuteur. Et où est-il maintenant ?

Discrètement, il plia un croquis de Mewtwo et le glissa sous sa veste.

— Il est maintenu en état de sommeil dans les sous-sols du Manoir Pokémon à Cramois'île. Cette fois-ci, la Team Rocket a bel et bien abandonné l'idée d'en faire quelque chose. C'est pour cette raison qu'elle s'est tournée vers les oiseaux légendaires.

L'entomologiste lança un regard suspect au vieil homme et s'approcha de lui.

— Mais vous n'avez pas abandonné, souffla-t-il en se plaçant à quelques centimètres d'Auguste pour le bloquer.

Le scientifique essaya de ne pas broncher, mais de grosses gouttes de sueur se mirent à perler de son crâne chauve.

— Perspicace, Monsieur Uemura...

— Alors dites-moi... qu'avez-vous l'intention de faire à Cramois'île, dans ce sous-sol du Manoir Pokémon ?

— La vérité c'est que... je vais avoir besoin de ton aide pour ce que je m'apprête à faire. Es-tu prêt à participer à ma quête de rédemption ?

Un sourire malveillant se dessina sur les lèvres de Constant et son Tengalice sortit par lui-même de sa pokéball. Il émit un Grincement de rire strident avant de se tourner vers son dresseur d'un air entendu.

Le deuxième pokémon du jeune homme sortit de sa pokéball et Auguste découvrit avec inquiétude que la petite Mimigal qu'il avait aperçu avait évolué en une monstrueuse Migalos entièrement noire, à l'abdomen couvert d'une longue bande rouge. D'où sortait ce pokémon ?

— D'une expédition de recherche en Océanie.

— Quoi ? Comment as-tu su que... ?

— Je crois que vous et moi, nous avons encore des choses à nous dire sur la symbiose entre pokémons et humains, n'est-ce pas ? répondit l'entomologiste d'un air sombre. Maintenant défaites ce bandage ridicule à votre bras et parlons franchement. Le donneur d'ADN pour le clone de Mew... C'était vous.

Auguste obéit en défaisant son bandage devant le jeune homme pour lui montrer son bras couvert de marques semblables à des brûlures mal cicatrisées.

— C'est ce que la « symbiose » m'a fait. Ce n'est qu'une dépendance à Mewtwo qui ne fait que me détruire à petit feu...

Constant observa minutieusement son bras malade avant de lui faire signe de remettre ses bandages.

— Une symbiose non naturelle entre humain et pokémon ne peut aboutir qu'à une relation toxique... Mais ça, en vivant et en croyant chaque jour en la Team Rocket, vous ne pouviez pas vous en rendre compte, déclara-t-il froidement.