Chant des Vagues au Mont Braise [Poké-Month]

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Tout se passa très rapidement. L'eau, les ténèbres, le contact dur d'une roche, puis l'air, le vent, à nouveau de l'eau, le rugissement des vagues, l'oxygène, la lumière de la foudre, l'odeur de cendres et de soufre, encore du vent, des vagues, et des cris. Ceux des pokémons secourus, ceux des marins et des membres de la Team Rocket.

Lucie cracha de l'eau salée et ouvrit ses paupières. Un océan déchaîné se dévoila sous ses yeux, animé par d'immenses vagues qui venaient frapper la carcasse du paquebot échoué à quelques kilomètres de là. Un long défilé de débris flottant s'étalait entre les vagues, parmi lesquels des hommes et des pokémons nageaient en tentant d'atteindre le rivage.

La jeune femme tourna faiblement la tête et aperçut des côtes un peu plus loin, sous la forme d'immenses falaises abruptes, entourant une île comme des remparts impénétrables. Au sommet de l'île, un immense volcan en pleine éruption était en train de cracher de grands geysers de lave et de fumée.

La jeune femme frissonna d'émerveillement, retrouvant sa passion naturelle pour la géologie.

— Lucie ! Tu vas bien ?

Elle vit Constant se pencher au-dessus d'elle. Ses grosses lunettes étaient ébréchées et couvertes d'eau salée. Avec ses cheveux trempés et ses vêtements imbibés d'eau, il reprenait des airs d'entomologiste chétifs. Il prit le bras de la jeune femme et défit le bandage qu'il lui avait mis pour examiner la morsure du Nosferalto de Koga.

« Je t'ai appliqué une solution de guérison, j'ai retrouvé mon sac dans l'eau quand on est remontés à la surface, mais aucune trace de tes affaires... »

— Le bateau... les pokémons... Où sommes-nous ?

Un petit Evoli passa tout près d'elle, chatouillant son visage de sa queue touffue. Au moins, certains avaient réussi à s'enfuir.

— Le St. Anne est en train de sombrer, mais j'ai réussi à faire sortir la plupart des pokémons. Là on est encore sur le Lokhlass qu'on a libéré mais on ne devrait pas tarder à accoster sur l'île.

— Quelle île ?

— Le Mont Braise, souffla Constant en levant la tête vers le ciel.

Parmi les éclairs et les vents violents, des centaines de milliers de points noirs s'agitaient, tournant en cercle autour de l'île comme d'immenses anneaux cosmiques qui auréolaient les fumerolles du volcan. Les pokémons Insecte et Vol qui avaient motivé la venue de Constant étaient tous là.

Lucie venait à peine de se réveiller et elle avait du mal à assembler tous ces éléments, mais pour lui... cela faisait des heures qu'il observait la course étrange des pokémons dans les cieux, accompagné de la seule chose qu'il avait réussi à emporter dans le chavirement du St. Anne : le livre de son père.

Son cœur qui s'était auparavant empli de haine et de désirs de vengeance était à présent plein d'excitation. Il était en train de marcher dans les pas de son père, et d'observer des phénomènes similaires à ceux qu'il étudiait. Chaque vague passée par Lokhlass le rapprochait un peu plus de la vérité.

Cependant, une chose lui était apparue clairement. Il était bien plus proche des évènements météorologiques décrits par le livre sur les oiseaux légendaires que les notes laissées par l'océanologue. Il n'y avait pas eu de grêle, pas d'aurores boréales dans la tempête qu'avait vécue son père lorsqu'il avait disparu en mer.

Les notes laissées par l'océanologue traduisaient elles-mêmes ces interrogations. Il donnait des indications sur les températures des mers et cherchait à savoir si les courants marins étaient réellement en train de changer ou s'il ne s'agissait que de perturbations.

Certaines notes en bas des pages laissaient clairement voir à quel point il était désemparé. Entre les paragraphes de témoignages de marins, il se livrait comme dans un journal intime : « Sybilla, et si je m'étais trompé ? Et s'il ne s'agissait pas d'un oiseau, mais d'une autre sorte de pokémon légendaire ? » et plus loin : « Je ne comprends plus rien aux phénomènes que j'observe. Hier j'ai vu des Léviators fous se battre à mort entre membres du même clan, et aujourd'hui nous avons vu des colonies entières de Chenipans et d'Aspicots tomber du ciel, transportés par les vents d'altitude après un ouragan. ».

Mais il y avait une phrase, à la fin du livre, là où les notes s'arrêtaient, qui faisait cogiter Constant depuis des heures : « Tu avais raison Sybilla. La Team Rocket ne voulait pas capturer Mew pour le vendre. Je comprends enfin que ma quête de connaissance, comme la tienne il y a 9 ans, doit se changer en mission héroïque. Il faut les arrêter. Ce n'est pas un oiseau légendaire qu'ils ont capturé... »

Constant observa Lucie qui était en train de se relever à côté de lui, jetant un coup d'œil inquiet sur son livre.

Son père avait dû faire face à quelque chose de différent, mais... ce que lui affrontait aujourd'hui devait bel et bien être cet oiseau dont parlaient les légendes du livre.

Le monde s'organisait selon un destin bien défini, hors de toute logique scientifique, et le jeune homme en prenait maintenant conscience. Il y avait encore un lien entre les recherches de ses parents et leur disparition qu'il lui restait à découvrir, et il avait le sentiment de plus en plus fort que c'était dans les méandres volcaniques de cette île qu'il apprendrait la vérité.

Constant sortit Tengalice de sa pokéball, ce qui effraya la plupart des pokémons à bord. Il observa la nouvelle apparence de son Pifeuil et sourit doucement.

Oui, le Destin avait quelque chose d'insaisissable, et pourtant d'incroyablement logique. Son évolution, et celle de son pokémon lui semblaient maintenant intrinsèquement liées. Comme lorsqu'il avait affronté ce ninja qui avait essayé de les tuer, il sentait au plus profond de lui-même cette symbiose indescriptible entre son âme et celle de Tengalice.

Il était prêt à affronter ce qu'il trouverait sur cette île.