Je n'ai jamais rien eu de spécial qui pouvait me différencier d'un tel ou de celui-ci. Mon nez a toujours été un peu trop épaté, mes lèvres souvent abîmées et mes cheveux toujours trop sauvages. Je ne suis pas taillée comme un mannequin, j'ai même un petit ventre qui profite bien de la vie ainsi que des fesses un peu encombrantes. En somme, je n'ai rien d'une super héroïne.
Mais il y a eu ce matin, je me suis levée de mon lit (comme n'importe quel matin me direz-vous) et je me suis dirigée vers la cuisine. Je dois admettre avoir passé une sale nuit ce jour là. Alors en me dressant sur la pointe des pieds pour attraper un bol je ne vois pas le verre tomber et s'éclater au sol. Mais je l'entend. Évidemment ça ne fait jamais plaisir de commencer la journée avec du ménage à faire et une mort sur la conscience. Et pourtant je me penche. J'attrape un morceau de verre, puis un autre. Et alors, l'impossible se produisit...
Les morceaux de verre au creux de ma main commencent à se déplacer, à s'assembler, reformant le puzzle qu'était devenu le verre puis il se "colle". Et dans ma main je tenais désormais mon verre entier, en un seul morceau. Je ne sais plus combien de temps je suis restée muette à scruter le verre ni à quoi je pensais mais c'était insensé. J'étais à la fois fascinée, terrifiée et abasourdie. Était-ce vraiment arrivé ? M'étais-je en réalité levée de mon lit ? J'ai détourné le regard du verre un instant mais il était toujours là. Solide et vaillant. Dans le doute, je me relève et le projete au sol. Il s'éclate de nouveau. Je ramasse les morceaux et le mêle phénomène se produit.Ça n'a pas de sens.
Ça n'en avait pas en effet. Ça n'en a toujours pas d'ailleurs. Mais je m'y suis habituée. Allez savoir pourquoi mais depuis ce matin là je répare les choses cassées. Ce jour ci je ne suis pas allée travailler. J'ai cassé des assiettes et les ai réparés, j'ai déchiré des feuilles et les ai reconstruites, j'ai cassé un pied de chaise puis l'ai remodelé. J'ai passé là journée à expérimenter cette chose que je savais faire, repoussant toujours plus la grandeur de l'objet subissant mes expérimentations. Je suis même allée briser une de mes fenêtre, balancer un caillou contre l'écran de ma télé, jeter mon portable de l'étage et frapper dans une cloison avec un marteau. À chaque fois que je touchais la victime, elle se remettait de ses blessures comme si de rien n'était.
Évidemment j'ai commencé à imaginer tout ce que je pourrais faire de ce truc (je n'ai pas encore trouvé de nom à cette chose venue de nul part). J'ai cherché les limites de ce "pouvoir" (appelons le ainsi).Je me suis alors demandée si je pouvais réparer des vivants. Des animaux ou même des Hommes.
Comment l'essayer ? Je n'allais pas briser le bras d'un passant dans la rue pour ensuite essayer de le lui réparer sans être vraiment certaine du résultat.
Alors j'ai prit ma voiture et je suis allée à l'hôpital.
Une fois là bas, la première personne que j'ai vu était une petite fille, environ 8 ans, patientant dans une salle. Elle pleurait contre ce que j'ai supposé être sa mère. J'ai vite remarqué la vilaine entaille qui barrait son petit genou. Je me suis alors dirigée vers elle en me présentant comme étant infirmière (ce qui était faux). La mère m'a sourit et m'a expliqué comment l'enfant s'était blessée.J'ai alors posé ma main sur le genou ensanglanté.
La petite fille me regardait avec des yeux rougit par les larmes, ses petites mains serrant celles de sa maman. Et puis j'ai retiré ma main. Le genou était toujours couvert de sang. Mais la plaie avait disparue. J'ai nettoyé le genou de son sang avec un mouchoir pour découvrir une peau intacte, sans aucune marques de cette mésaventure.
La petite me regardait avec une admiration comme jamais je n'en avais vu et la mère elle semblait tout aussi bouchée bée que moi le matin même.
C'était la preuve. Je pouvais soigner les êtres vivants. Dans la même lancée j'ai soigné une jambe cassée, un poignet fêlé et tout un tas de choses cassées. Personne ne savait d'où je sortais (je ne le savais pas trop non plus) mais dans l'hôpital on a commencé à me solliciter un peu partout. Au début les médecins et infirmières m'ont repoussé mais lorsqu'ils ont constaté sur les radios ce que je faisais ils ont commencé à me trouver une certaine utilité. J'ai passé la journée à réparer.
C'était fou.
Dès le premier jour, alors que je ne connaissais pas encore le pouvoir de mes mains, je les utilisais encore et encore. On a rapiement constaté avec les médecins que je ne pouvais pas réparer les maladies. Je pouvais réparer les dégâts qu'elles causaient mais je n'avais aucun effet sur les virus et bactéries qui ne sont pas "cassés". En revanche on a démontré que je réparais les cellules "cassées". On a même voulu m'emmener en fin de journée sur une table d'opération pour réparer ce qui était ouvert pour ainsi ne laisser aucune traces. Mais je ne me sentais pas tout à fait apte à me retrouver face à une personne ouverte et à poser mes mains dans son corps.
La journée est passée à un vitesse terrible. J'ai quitté l'hôpital très tard malgré les contestations des médecins qui commençaient à s'habituer à ma présence. Beaucoup me remercièrent chaleureusement tandis que je leur promis de revenir. C'est en passant les portes que je me suis rendue compte que je ne savais encore rien de ce pouvoir. Serait-il encore là demain ?
Était-ce un rêve ?
J'ai eu beaucoup de mal à dormir. Mais le lendemain je me suis levée. J'ai cassé mon verre et je l'ai réparé. Comme la veille. Alors je suis sortie. J'ai réparé des écrans de portables, des vêtements, des bijoux, de l'électroménager et tellement d'autres choses. J'ai passé les mois suivants à filer de boutique en boutique. Les gens ont commencé à me connaître, les magasins me réclamaient, les hôpitaux aussi, on a commencé à me payer pour ça. Les gens dans la rue m'arrêtaient pour réparer leur téléphone fissuré bien souvent. Je n'ai pas cessé de repousser les grandeurs. C'est complètement dingue mais en plusieurs semaines j'ai réparé une maison à l'aide de quelques ouvriers.
Les gens m'admiraient.Ce n'était pas un rêve.
Je ne le disais pas souvent car ça me paraissait toujours trop irréel mais j'adorais faire ça. Je me sentais un comme un super héros. Je me sentais utile et importante.
Ça a duré longtemps comme ça. J'ai arrêté de me poser des questions sur ce truc que mes mains faisaient à présent. Je faisais simplement ce qu'on me demandait.
Au fil du temps, à force de réparer encore et encore, j'ai découvert qu'il n'y avait que deux choses que je ne pouvais pas réparer ;
Les miroirs et mon propre corps.
Il y a un sens derrière cette unique barrière. Mais je le cherche encore.
14/05/2019
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Vagabond
Short StoryPoèmes en prose, nouvelles et autre textes écris avec ou sans raisons.